2021 M06 3
La scène se passe à Brixton, le 10 décembre dernier : sur la scène du Windmill, black midi et Black Country, New Road, deux formations essentielles à l'effervescence actuelle du rock anglais, ne forment qu'un le temps d'un concert où ils reprennent à leur manière - autant dire avec un grand sens du brouhaha - des morceaux de Noël sous le nom Black Midi, New Road. La performance n'a rien d'anodine, elle est censée sauver de la banqueroute ce lieu essentiel à la musique underground londonienne, menacé de fermeture après une année de mise en arrêt due à la pandémie Covid-19.
Elle est surtout symbolique d’une salle qui, depuis une bonne dizaine d’années, a contribué au lancement d’une génération de fous furieux de la guitare électrique. À l’époque, ces musiciens jouaient dans des formations nommées Art Brut, Bloc Party, Klaxons, The Rakes, Metronomy et The Horrors. Désormais, ce sont black midi, Black Country, New Road, mais aussi Fontaines D.C., Goat Girl, Squid, Shame, Insecure Men ou encore Warmduscher et Kate Tempest qui y ont élu domicile, confirmant que le Windmill est bien ce lieu qui ne cesse de recevoir les nouvelles éruptions de la musique britannique. Voire mondiale.
D'extérieur, le Windmill, nommé ainsi d'après le moulin à vent situé en face de la bâtisse, ressemble à un vieux rade miteux avec sa devanture blanche et rouge, légèrement défraichie. Dans les années 1970, le pub servait autrefois de repère aux motards. Depuis, c’est l’esprit du CBGB et du Marquee que ravive sans le savoir Tim Curry, un gérant visiblement prêt à faire de son lieu une cour de récréation où punk, jazz, ambient et hip-hop évoluent ensemble, se nourrissant les uns des autres, sans calcul, ni cynisme. Peu importe que le Windmill ne puisse accueillir que 150 spectateurs, il doit être ce club où les groupes anglais jouent leur premier concert.
Une envie que cet ancien journaliste indépendant dit avoir eu assez soudainement : « On s’est rendu compte que nos habitués étaient des musiciens, des ingénieurs du son ou des professionnels de la musique. Alors, plutôt que de simplement boire des verres, on a décidé d’organiser des concerts. »
Rapidement, le Windmill devient un repère pour ces groupes qui transpirent l’urgence, et n’ont pas vraiment de lieu pour répéter, ni pour faire entendre le crissement de leurs guitares : « Quand on débutait, on a envoyé des mails à toutes les salles de Londres, rembobine aujourd'hui Cameron Picton, bassiste et chanteur occasionnel de black midi. Le Windmill a été le seul à nous répondre, qui plus est de manière positive. Depuis, on y revient dès que l'on peut, c'est un espace de liberté assez dingue pour les groupes. »
Dans une interview à London News, Conor Curley, le guitariste de Fontaines D.C. ne dit pas autre chose : « Lorsque nous sommes arrivés à Londres, nous avions l'impression d'être des étrangers que l'on regardait d'un coin de l'œil. C'est le Windmill qui nous a accueillis et nous a permis de faire nos preuves ».
Au sein d'une ville immense, où il est facile de laisser un peu de soi et de se sentir rapidement seul, le Windmill permet de croire en une utopie : celle d’unir les générations entre elles et, surtout, de former une communauté d’artistes à l’esprit aventureux. Cameron Picton poursuit : « Je préfère en effet parler de communauté plutôt que de scène anglaise, un terme qui a tendance à mélanger un peu trop de groupes entre eux sans véritable raison. Là, le Windmill permet de mettre en avant une certaine mentalité, un rapport à la musique totalement libre, porté par des artistes qui ont grandi en écoutant les mêmes disques de rock, de punk, de jazz ou de hip-hop tout en les reformulant différemment. »
Traduction : le Windmill a beau avoir l’air modeste et être situé dans une rue secondaire de Brixton Hill, il s’est imposé comme un haut lieu de l’underground londonien, confirmant au passage qu’un nouvel âge d’or du rock indépendant est bien en train de se profiler.