Ce groupe syrien crée le tube de l'été en s'amusant des coupures d'électricité

En juillet dernier, le groupe syrien Safar a publié la chanson "Ya Weel Weely". Si les paroles parlent surtout d’amour et de rupture, le clip est une référence directes aux pannes d’électricité incessantes que connaît le pays depuis le début de la guerre civile, il y a dix ans.
  • Parfois, le meilleur moyen de lutter contre l’adversité, c’est de l’embrasser. Formé il y a plus de vingt ans à Damas, capitale de la Syrie, le groupe amateur Safar a connu un succès surprise durant l’été. En effet, son titre Ya Weel Weely (littéralement « Ô malheur, mon malheur ») a engrangé près de sept millions de vues sur YouTube depuis sa sortie en juillet dernier. Ballade mélancolique mêlant habilement musique électronique, pop rock et instruments traditionnelles, elle est portée par la belle voix du chanteur Shadi Safadi. Mais c’est surtout le clip qui a attiré l’attention.

    Depuis dix ans, la Syrie connaît une guerre civile qui a provoqué un demi-million de morts, ainsi que la destruction de nombreuses infrastructures, entraînant ainsi une grave crise de l’énergie. Selon une enquête de l’ONU, ce sont 90 % des Syriens qui n’ont plus accès à l’électricité de manière continue. Ainsi, lorsque le réalisateur du clip, Yazan Shorbatji, va écouter le groupe, il sait qu’ils devront tous jongler avec ces difficultés. « Pourquoi alors ne pas filmer la chanson, et mettre en lumière la situation du secteur électrique ? » explique-t-il à l’AFP.

    L’équipe de tournage fait ainsi un stock important de batteries rechargeables, de lampes torches, de LED en tous genres. Le tournage est intense : certains jours, ils n’ont du courant que durant une heure, ce qui ne les empêche pas de travailler pendant parfois plus de dix heures. De plus, le clip est filmé dans un studio de 4m², où se retrouvent huit techniciens en plus des six musiciens.

    Mais le résultat vaut le coup. Plein d’humour, le clip démarre par l'une de ces fameuses coupures de courant, le groupe s’éclairant à la lampe torche et au briquet. On les voit ensuite implorant une ampoule au filament vacillant, ou bien couverts de guirlandes lumineuses. Le clip finit avec l’inscription « Cette vidéo a été réalisée avec toutes sortes d'ampoules LED et de lampes sur batteries. True Story!! ». Le message est clair : le groupe ne se laisse pas abattre par ces difficultés.

    Nul doute que leurs compatriotes ont apprécié que les musiciens abordent ce problème, appréciant d’autant plus son humour. Pour le site web local Enab Baladi, relayé par Courrier International, cela montre également « qu’il existe un public qui aspire à de nouvelles formes d’art, indépendantes des traditions et du modèle dominant que les sociétés de production du monde arabe s’efforcent de perpétuer ». Afin de toujours garder la tête haute.