2021 M09 18
Il fut un temps où le groupe aux 100 millions d’albums vendus avait pour seul but de choquer ses auditeurs. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les Allemands ne se sont pas trompés : dès leur quatrième album, “Virgin Killer” sorti en 1976 et premier véritable succès de Scorpions, ils s’offrent une pochette d’abord controversée puis bannie dans la plupart des pays où le disque est distribué.
On y voit une fillette de 10 ans posant nue face à un fond noir avec un éclat de verre cachant son sexe. La controverse est immédiate, mais calculée par leur label qui se retrouve obligé de remplacer l’enfant par une photo du groupe. Rudolf Schenker, le guitariste émérite de Scorpions, s’est justifié des années plus tard au cours d’une interview : “Ce n'est pas nous qui avons eu l'idée. Les gars de la maison de disques nous ont dit que même s’ils devaient aller en prison, ils sortiraient la pochette avec l'enfant.” Pourtant, les membres du groupe ont réitéré les scandales quelques années plus tard, avec une nouvelle major derrière eux.
À part son titre, “Taken By Force” n’a rien de choquant visuellement, mais c’est lorsque le groupe change de maison de disques que l’histoire se répète. En 1979, il signe sur le label américain Harvest et sort l’album “Lovedrive”. Il s’agit certainement de leur pochette la plus connue, réalisée par le célèbre Storm Thorgerson d’Hypgnosis, déjà derrière les covers les plus connues de Pink Floyd. “J'ai toujours imaginé que le trajet les emmenait à l'opéra, et le mec a ce fétiche du chewing-gum et sa compagne le laisse faire parce qu'elle s'en fout. Mais je pense aussi que c'est un peu idiot. J'aime bien”, a balancé le photographe des années après la sortie du disque.
Scorpions est donc passé d’une pochette glauquissime à un drôle d’érotisme. Cette fois-ci, tout comme leur designer, les membres du groupe ont totalement assumé leur pochette. Le chanteur, Klaus Meine, a même témoigné de sa frustration quant à la nouvelle controverse autour de “Lovedrive”. Selon lui, les États-Unis ne devraient pas être choqués par cette cover puisqu’il s’agit du seul pays où les femmes montraient leurs seins pendant les tournées. Une justification quelque peu bancale qui n'empêchera pas l’artwork d’être banni dans certains pays. Elle sera élue pochette de l’année par le magazine Playboy, preuve ultime qu’il s’agit bien d’une époque différente, quand ce genre de pochettes était encore autorisé.
Après la sortie de “Lovedrive” et ses un million d’albums vendus, Scorpions revient avec une pochette sans nudité, mais sans doute encore plus sexiste que les précédentes. On parle de l’album “Animal Magnetism” avec une cover représentant un chien et une femme à genoux face à un homme photographié de dos au niveau de son fessier. Même si cette image peut paraître comique (et c’est sans doute la volonté de Scorpions), le machisme est plus que présent.
Pourtant, il s’agit d’une des rares pochettes du groupe à ne pas avoir été remplacée par une autre. Encore une fois, les musiciens allemands ont tenté de se justifier quant à cet artwork provocateur, expliquant que le titre leur est venu en premier et que la cover en était la suite logique. Seul Francis Buchholz s’est dédouané : “Personnellement, je n’ai pas aimé la pochette, mais le reste du groupe l'a adorée. J'aimais bien le chien par contre.”
Peu à peu, Scorpions s’est écarté des covers à scandale, même s’il a gardé une touche d’érotisme sur les albums “Love At First Sting” et “Savage Amusement”. Certains membres du groupe sont revenus sur ces pochettes misogynes quelques décennies plus tard. Uli Jon Roth a même honteusement confessé à propos de “Virgin Killer” : “Regarder cette photo aujourd'hui me fait froid dans le dos. Elle a été faite avec le plus mauvais goût possible. À l'époque, j'étais trop immature pour le voir. Honte à moi, j'aurais dû faire tout ce qui était en mon pouvoir pour l'empêcher.” Aujourd’hui, la photo du groupe a remplacé l’enfant sur les plateformes de streaming. Et c’est bien mieux comme ça.