2022 M03 20
Lorsque Christophe est décédé dans la nuit du jeudi 16 au vendredi 17 avril 2020, la chanson française a perdu l’un de ses monuments. Jusqu’à la dernière seconde, personne n’a voulu y croire, mais l'auto proclamé dernier des Bevilacqua avait bel et bien rendu son ultime souffle, à 74 ans. Derrière lui, il laissait un catalogue impressionnant chargé de « succès fous », dont celui de 1965, Aline.
En 65 donc, cela fait à peine deux ans que le jeune Christophe est sorti de l’anonymat dans l’hexagone. Au mois de juillet de cette même année, le chanteur accouche du slow de l’été avec sa chanson Aline. Très rapidement, cette dernière fait un carton en France, mais aussi à l’étranger. Au bout de quelques semaines, elle dépasse le million de ventes. Et c’est à peu près tout pour le moment. Les auditeurs sont trop occupés à emballer leur partenaire plutôt que de se demander qui est cette fameuse « Aline »…
Presque 15 ans plus tard, en 1979, après que Christophe ait donc publié la doublette de disque — écrit par Jean-Michel Jarre — « Les paradis perdus » (1973) et « Les mots bleus » (1974), Aline ressort. De nouveau pendant cet été, le single se classe en tête des ventes et dépasse encore la barre du million d’exemplaires écoulés. Mais… toujours pas d’indice concernant cette mystérieuse femme dont Christophe « [avait] dessiné sur le sable son doux visage ».
Pour connaître l’identité de celle dont le chanteur a crié le nom, il aura fallu attendre le début de l’année 2016. À ce moment, il est interviewé par Frédéric Beigbeder qui vient alors de reprendre la tête du magazine Lui. 50 ans après, quelqu’un a enfin l’idée de poser la question au principal intéressé ! Dans sa réponse, on comprend qu’Aline a un nom de famille, Natanovitch, et un physique plutôt avantageux : c’était « une Polonaise pas dégueu ».
Toujours dans la même interview, on en apprend un peu plus sur cette dame. Elle avait notamment une double vie : « Elle s’occupait à l’époque du vestiaire de l’Orphéon club [la nuit] et la journée elle était assistante dentaire boulevard du Montparnasse. » Selon le journaliste Éric Jean-Jean, auteur du livre Histoires insolites de la chanson française, c’est dans ce même cabinet que Christophe aurait croisé Aline. Comme il l’affirme dans cette interview accordée à TV5MONDE (à 4’18), le chanteur aurait composé son tube « l’après-midi, juste après une visite », une fois rentré au « domicile de sa grand-mère ».
Une dernière information à propos de ce morceau ? Comme le raconte ce journaliste d’Europe 1, Henri Salvador et son protégé Jacky Moulière auraient intenté un procès à Christophe, car ils trouvaient qu’Aline était un plagiat du titre La romance (ci-dessous) – composé par Jacky Moulière en 1963. Si Christophe perd en première instance, il gagne avec l’appel de 1977, date à laquelle il récupère les droits de sa chanson.
La suite de l’histoire, vous la connaissez. Christophe est devenu un artiste phare, un insatiable compositeur avide d’expériences sonores jusqu’à la toute fin de sa vie, terminée hélas un peu trop tôt, en 2020, des suites du Covid-19. Et depuis, on crie pour qu'il revienne.
Crédit photo : YouTube : « Christophe "Petite fille du soleil" (1975) »