Roselyne Bachelot : quel bilan pour la musique ?

Deux ans après sa nomination, et alors qu’Emmanuel Macron vient d’être réélu, c’est le moment de tirer un premier constat sur la politique culturelle menée par l’ancienne pensionnaire des "Grosses Têtes". Spoiler : ça ne sent pas la Rose(lyne), et cela n’a rien d’une mauvaise blague.
  • Depuis sa nomination au ministère de la Culture en juillet 2020, Roselyne Bachelot a beaucoup été critiquée. Par le Hellfest, par Laurent Garnier et par un certain nombre d’institutions, tous regrettant son absence de directives, son incapacité à prendre des mesures fortes et son manque de connexion avec les mouvements les plus jeunes : elle a beau citer Nekfeu ou Gims, à 75 ans, ses goûts semblent la ramener inévitablement vers Beethoven ou Sardou...

    Pour beaucoup, Roselyne Bachelot serait donc aussi à l’aise dans son costume de ministre qu’une nonne au salon de l’érotisme. Pas faux : ces dernières années, les crédits du ministère de la Culture ont une fois de plus été accordés aux grands opérateurs (Opéra de Paris, Musée du Paris), renforçant ainsi les inégalités de traitement avec les plus petites structures.

    Roselyne Bachelot n’est évidemment pas la seule responsable. Rappelons que deux ministres ont également occupé ce poste (Françoise Nyssen, Franck Riester) sous le quinquennat d'Emmanuel Macron, que la culture a été la grande oubliée de la dernière campagne présidentielle (« Pourquoi aucun candidat à la présidentielle n’a-t-il jamais encore évoqué́ les arts et la culture ? », s’interrogeait récemment Télérama) et que le Covid n’a rien arrangé. Reste que la ministre est celle qui incarne le secteur, et que ce dernier a montré à quel point son modèle était fragile depuis le premier confinement, en mars 2020.

    Il y a bien eu des mesures fortes : l'activité partielle, les PGE (prêt garanti par l'État), les 15 milliards d'euros offerts au secteur culturel pour tenir pendant la crise, mais aussi le Pass Culture et la volonté de considérer la culture comme « essentielle », faisant de l'art un trésor fragile, ouvrant les librairies en plein confinement, appelant les artistes à soutenir le moral du peuple français. Seuls problèmes : on est toujours très loin du 100% EAC (éducation artistique et culturelle) à l'école, tandis que les difficultés rencontrées par de nombreux acteurs du milieu de la culture (salles de concerts, boîtes de nuit, musées, théâtres, cinémas, etc.) passent sous les radars médiatiques et politiques. 

    Le 2 avril dernier, c’est en effet dans une indifférence confinant à l’injustice que le Bus Palladium a fermé définitivement ses portes, incapable de se relever de la crise sanitaire. On parle pourtant d'une salle popularisée autrefois par Gainsbourg, qui a accueilli tout ce que le rock français a de plus costaud à proposer (Bashung, Noir Désir, Johnny, etc.) et qui laisse désormais sa place à un hôtel de luxe…

    Certes, l’actualité, la guerre en Ukraine ou les thèmes imposés lors de la campagne présidentielle (immigration, insécurité, pouvoir d’achat) n’ont pas aidé à mettre en lumière de telles difficultés, mais tout de même : ne doit-on pas s'inquiéter de cet inactivisme ? Le gouvernement Macron n'a-t-il pas prouvé que le secteur culturel n'était pas sa priorité, si ce n'est au moment de promettre des mesures presque irréalistes, comme allouer 200 millions d’euros à un fonds d’investissement pour les industries créatives et culturelles françaises ou promettre le passage à 500 euros du Pass Culture ?

    Dans un discours donné fin mars, Roselyne Bachelot a tenté tant bien que mal de défendre son bilan, rappelant les efforts « impressionnants » et « inédits » fait par son ministère, précisant que « les industries culturelles, ce sont 670 000 emplois. Soit plus que l'aéronautique ou l'automobile, et la caractéristique, c'est qu'elles irriguent l'ensemble du territoire. » Au passage, la ministre a annoncé que le budget de la culture dépassera en 2022 la barre des 4 milliards d'euros (une première !), soit une hausse de 7,5%. Ce qui est très bien.

    Reste à savoir comment s'effectuera la répartition, d'autant qu'un grand nombre d'acteurs culturels ont fustigé l'écart des aides accordées entre les petites structures et les grandes institutions (à titre d'exemple, l’Opéra national de Paris a reçu plus de 60 millions d’euros...). Reste également à savoir si Roselyne Bachelot tiendra son poste tout au long du nouveau quinquennat d'Emmanuel Macron, ce qui n’est évidemment pas garanti tant les ministres semblent avoir la bougeotte. Il sera alors temps de faire appel à des personnalités sans doute plus connectées avec les cultures émergeantes. Dernièrement, Laurent Garnier a confié qu'il aimerait arrêter d'être DJ : un chevalier de la Légion d'honneur à la tête du ministère de la Culture, ça aurait de la gueule, non ? 

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