2021 M04 26
Ne dit-on pas que tout vient à point à qui sait attendre ? La solution des musiciens et techniciens devrait donc arriver avec une cuisson impeccable. Alors que les concerts sont à l’arrêt depuis bientôt six mois, voilà enfin une lueur d’espoir. Deux lueurs, même. La première concerne les 120 000 intermittents du spectacle. Le 21 avril dernier, André Gauron, expert à la Cour des comptes, a remis aux ministres du Travail et de la Culture un rapport de 50 pages. Il contient un diagnostic sur la situation des intermittents après un an de crise, et surtout des pistes pour conserver au maximum leur activité. Un tel rapport est crucial, puisqu’il va servir de base aux négociations entre les acteurs culturels et le gouvernement, à venir dès la fin du mois.
André Gauron souligne notamment l’importance qu’a eue l’année blanche, à savoir la prolongation des droits des intermittents durant une année. Leur indeminsation chômage se prolonge ainsi jusqu’au 31 août prochain, avec une baisse totale de revenus de seulement 10 %, malgré 37 % de salaires en moins. Au-delà de cette date, vu la faible activité depuis un an, la grande majorité des intermittents risque de se retrouver avec un énorme manque à gagner. Et plus la reprise d’activité sera tardive, plus il y aura de casse.
Mais cette année n’a pas été la même pour tous les intermittents. « Parmi les artistes les plus affectés par la crise, on trouve les musiciens et chanteurs, les danseurs, les artistes du cirque et des arts visuels ; parmi les techniciens, ceux des plateaux-machinerie et structure, de la lumière et du son » souligne le rapport. Pour la musique et le chant, l’activité de 2020 représente 57 % de celle de 2019. Ce chiffre est de 60 % pour les techniciens son, et 51 % côté lumières. Le deuxième confinement, notamment, a été bien plus brutal pour eux. Concernant la reprise, « le spectacle vivant privé se trouve dans une situation particulièrement délicate » notamment à cause d’un embouteillage de créations à venir.
Le rapport comporte également quelques bonnes nouvelles. 57 % des intermittents ont tout de même atteint les 507 heures (qui signifient un renouvellement des droits) en 2020, plus que ce qu’on redoutait. Mais cela concerne plus les techniciens que les artistes. Ceux à qui il manque quelques heures (entre 338 et 506 heures) peuvent espérer un délai de six mois supplémentaires via une clause de rattrappage. Mais c’est loin d’être évident : il faut avoir 5 ans d’ancienneté, et ne pas y avoir déjà eu recours durant ces 5 ans. Et malgré d’autres aides, détaillées dans le rapport, le constat est simple : 20 à 25 % des intermittents ne pourront pas renouveler leurs droits, et même les autres verront leurs indemnités largement baisser.
Gauron présente ainsi deux pistes. La première consiste à assouplir certaines conditions (comme par exemple supprimer la condition d’ancienneté sur la clause de rattrappage), afin d’offrir un filet de sécurité. La seconde consiste tout simplement en une prolongation de l’année blanche, au-delà du 31 août. Si le rapporteur semble peu favorable à une année supplémentaire de droits (qu’il juge injuste par rapport aux autres travailleurs précaires), l’option favorisée semble être celle d’un prolongement jusqu’à fin décembre 2021, accompagné d’autres solutions. Il souligne également la la situation compliquée des jeunes artistes et techniciens, qui s’orientaient vers l’intermittence. Exclus des dispositifs en cours, Gauron suggère de baisser le seuil horaire nécessaire pour ouvrir des droits.
Certes, tout ceci n’a pour l’instant qu’une valeur limitée : ce ne sont pas des engagements du gouvernement. Le monde de la culture garde ainsi en tête le rapport Racine, qui présentait de nombreuses solutions pour les artistes-auteurs très précaires, avant d’être totalement mis de côté. Mais ce rapport Gauron est un premier pas.
Un second pas a été fait dans le même temps. Et celui-ci concerne les concerts-test, attendus et reportés depuis des semaines. Toujours le 21 avril, le Prodiss, principal syndicat du spectacle privé, annonçait que son expérience à l’Accor Hotel Arena, pilotée par le Ministère de la Santé et comptant sur la présence d’Indochine, avait été décrété « priorité nationale » par le gouvernement. Une semaine plus tôt, le même Prodiss publiait une lettre ouverte à Manu pour le presser d’avaliser cette expérience. Cependant, que ce soit pour ce test ou celui prévu à Marseille avec IAM, aucune date n’a encore été annoncée.
[Lettre ouverte] Nous travaillons depuis plusieurs semaines avec l’AP-HP à une expérimentation : le projet Ambition Live Again. Mais pour que ce concert-test puisse voir le jour, il faut que le protocole soit validé. Manu, nous avons besoin de votre aide ! pic.twitter.com/Of1SHxy0uv
— PRODISS (@prodiss) April 12, 2021
Cependant, selon Roselyne Bachelot, cela pourrait arrivée très vite. Interrogée par Jean-Jacques Bourdin le 23 avril, elle a affirmé que cela pourrait venir « dans les quinze jours ». Elle rappelle qu’il s’agit bien là d’expériences scientifiques, et qu’une telle opération est très coûteuse. Celui de l’Accor Hotel Arena coûterait ainsi 900 000 euros. Cependant, l’AP-HP, qui organise l’expérience et interrogé par Actu Paris, parle d’une « annonce prématurée ». Le flou ne semble donc pas encore vraiment dissipé, et les signes d’espoir encore bien maigres. Mais c’est un début. Ne reste qu’à croiser les doigts, et continuer de lutter.