Qui était vraiment Meat Loaf, mort du Covid à 74 ans ?

Le 21 janvier, on apprenait la mort de Meat Loaf à l’âge de 74 ans. Chanteur et acteur, et auteur du tube "I'd Do Anything for Love", il avait mené une carrière étonnante et faite de multiples grands écarts. Dont le dernier, le plus tragique surement : anti-masque et anti-vaccin, il est finalement mort du Covid.
  • Pour certains, il est d'abord l’auteur de « Bat Out Of Hell », en 1977, l’un des disques les plus vendus de tous les temps avec 43 millions de copies, et un record de 500 semaines dans le top des ventes britanniques. Il est aussi Eddie dans le Rocky Horror Picture Show, bien que les plus jeunes y voient surtout Robert Paulson dans Fight Club, et sa poitrine démesurée. D’autres, encore, retiennent l’interprète de I’d Do Anything For Love (But I Won’t Do That), sirupeux et grandiose. Meat Loaf, c’est bien tout ça à la fois, et pas seulement. Disparu à l’âge de 74 ans, il avait mené une carrière XXL en étant capable de côtoyer la Motown et Broadway, Alice Cooper et Hugh Laurie, ou encore Jack Black et les Spice Girls.

    Né Marvin Lee Aday, il a plus tard changé son nom pour Michael. Peut-être en raison d’une relation difficile avec un père alcoolique, qui serait à l’origine de cet étrange surnom, « pain de viande ». Après la mort de sa mère, il fuit la maison familiale, direction Los Angeles. Il cumule alors petits boulots et musique. Mais malgré un succès régional, aidé par une présence vocale déjà impressionnante, rien n’aboutit. Il se lance alors dans la comédie musicale, rejoignant la troupe de Hair, alors en plein succès. Il enchaîne avec l’étonnante production d’un premier album : un disque en duo avec un certain Shaun « Stoney » Murphy pour la Motown, dans le style soul du label, mais qui ne mène finalement à rien. Il intègre ensuite le Rocky Horror Show et son adaptation cinématographique en 1975. Mais c’est surtout la rencontre de Jim Steinman pour l’audition de More Than You Deserve qui change tout.

    C’est en effet là que Meat Loaf rencontre le compositeur et parolier Jim Steinman. Leur collaboration sera intense, et aucun ne réussira sans l’autre. Après la mort du second en avril 2021, le chanteur déclarait « ce n’est pas que nous nous connaissions l’un l’autre ; nous étions l’un l’autre ». Ensemble, ils imaginent ce qui doit alors s’appeler « Neverland », une comédie musicale s’inspirant de Peter Pan dans un univers rock et futuriste. Les inspirations de Steinman sont claires : Bruce Springsteen pour l’écriture, Phil Spector pour le son (c’est Todd Rundgren qui sera chargé de l’émuler), les Who pour l’énergie, et même Richard Wagner pour la démesure. Tout ceci va finalement donner un album en 1977 : « Bat Out Of Hell ».

    En pleine vague punk, le disque est totalement à contre-courant. Opéra rock grandiloquent, avec de longs morceaux à tiroirs, un univers de fantasy, le tout dans un mélange de hard rock mêlé de comédie musicale : on est loin du CBGB. Et dans un premier temps, personne n’y croit, et les ventes ne décollent pas. Il faudra l’insistance des humoristes John Belushi (futur Blues Brother) et Gilda Radner pour qu’il passe dans l’émission où ils officient, le Saturday Night Live. Là, l’intensité de Meat Loaf impressionne. « J’ai toujours chanté chaque chanson en la vivant. Je m’abandonne. Ce n’est pas une méthode, je ne cherche pas quelque chose dans mon passé qui m’aie à chanter ces morceaux. Je deviens le morceau » raconte-t-il plus tard. L’album devient un phénomène, et en quelques mois, voilà qu’Aday devient une star.

    Cette nouvelle situation n’a rien d’évident. En tournée, le chanteur devient anxieux, colérique, et compense en se plongeant dans la drogue. Il fait même une extinction de voix. Excédé, Steinman l’abandonne : « Il avait perdu sa voix, perdu sa maison, et il avait pratiquement perdu la raison. » Le duo réussit malgré tout à sortir l’album « Dead Ringer » en 1981, qui connaît un bon succès, mais bien en dessous de « Bat Out Of Hell ». Le reste des années 80 est une descente aux enfers : le chanteur publie trois albums, et autant d’échecs. Il est criblé de procès (notamment avec Steinman), et ruiné. Pourtant, il va connaître une renaissance la décennie suivante. Rabiboché avec Steinman, il vont produire ni plus ni moins que « Bat Out Of Hell 2 ». Avec la même recette que le premier opus, le succès sera encore au rendez-vous, notamment avec le titre I’d Do Anything For Love (But I Won’t Do That), qui permet à Meat Loaf d’obtenir un Grammy.

    C’est le retour en grâce. En parallèle de ce nouveau succès, Aday apparaît dans plusieurs films, comme Fight Club, son rôle le plus célèbre, mais aussi Wayne’s World, Spice World (le film des Spice Girls) ou, plus tard, Tenacious D. On le voit également dans des séries comme Les Contes de la Crypte ou Dr. House. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Jack Black et Hugh Laurie apparaissent dans les albums suivant de Meat Loaf. Pourtant, encore une fois, celui-ci peine à rebondir sur son succès. À nouveau en conflit avec Steinman, et malgré la présence de Brian May, Steve Vai ou Bon Jovi, il n’aboutit qu’à des albums en demi-teinte. Même « Bat Out Of Hell 3 », en 2006, qui ne contient que des chansons pré-existantes de Steinman, est un échec.

    Qu’importe, avec son aura retrouvée, Meat Loaf parvient à organiser d’impressionnantes tournées. Même si, avec l’âge, sa voix s’altère, et il finit par confier les parties chantées à un chanteur plus jeune, se contentant de parler pendant les concerts. En plus de tout cela, il est également un des premiers rockers d’envergure à assumer son soutien pour le parti des Républicains. En 2012, il soutient ainsi Mitt Romney face à Barack Obama. Il a également exprimé à plusieurs reprises son climato-scepticisme. Ni cela ni son nom de scène ne l’ont pourtant empêché de devenir végétarien...

    Si on peut le trouver sirupeux, grandiloquent, excessif, il est cependant difficile de ne pas trouver Meat Loaf attachant. Car il réussissait un équilibre rare : malgré le côté spectaculaire et démesuré de sa musique, il parvenait toujours à y insuffler une certaine authenticité. Cela tenait à l’expression toujours sincère et intense de ses émotions, qui, en dépit de son univers fantaisiste, donnait une image ordinaire à l’interprète. Une sorte de Céline Dion hard rock, au fond.