2021 M11 22
Pas besoin d’être musicien pour être une rock star. Ce qui compte, c’est d’être au bon endroit, au bon moment, et surtout avec la bonne attitude. Dans les années 70, le rock entrait dans une nouvelle phase, plus conscient de lui-même, et où l’image allait compter plus que tout. En un mot, il devenait glam. Et un photographe allait particulièrement bien capter l’énergie particulière de ce mouvement en l’incarnant lui-même : Mick Rock. C’était son véritable nom ; c'était aussi une prédestination.
Quiconque a écouté un disque de cette période (et on voit mal qui n’est pas concerné) connaît son travail. Il a signé les pochettes de « Raw Power » d’Iggy et les Stooges, « Transformer » et « Coney Island Baby » de Lou Reed, « Queen II » de Queen, « I Love Rock’n’Roll » de Joan Jett, et bien d’autres. Tout en photographiant tout le gratin de l’époque : T.Rex, Roxy Music, Small Faces, Rolling Stones, puis Talking Heads, Blondie (il a ensuite consacré un livre à ses photos de Debbie Harry) ou Sex Pistols. Mais c’est bien sûr sa collaboration avec David Bowie qui, à elle seule, aura suffi à le faire entrer dans la légende.
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— Iggy Pop (@IggyPop) November 19, 2021
Rock découvre Bowie avec le disque « Hunky Dory », premier chef d’œuvre du chanteur, mais mal vendu à l’époque. Encore étudiant à Cambridge, le jeune photographe profite d’une venue du chanteur pour aller le rencontrer en loges. Le courant passe bien, notamment grâce à l’admiration commune des deux hommes pour Syd Barrett. Rock a déjà croisé plusieurs fois l’ex-chanteur de Pink Floyd, symbole même de l’artiste maudit. C’est même lui qui a réalisé la pochette de « The Madcap Laughs », premier disque solo de Barrett. Ce sera la première réalisation du photographe.
C’est décidé : Bowie l’engage comme alors photographe. Rock va alors contribuer à bâtir la légende Bowie, suivant de près sa métamorphose en Ziggy Stardust. Il réalise plusieurs clips, dont ceux de Life On Mars? ou Space Oddity. Surtout, il prend des photos devenues incontournables. Notamment celle où, en plein concert, Bowie mord la guitare de Mick Ronson, où le timing impeccable de Rock ajoute une couche homo-érotique qui ajoute au caractère sulfureux du chanteur. « Il me voit de la même façon que je me vois » dit de lui le chanteur, qui est également à l’origine du surnom « l’homme qui a photographié les années 70 ». C’est encore Rock qui immortalise la rencontre entre Bowie, Iggy Pop (paquet de cigarettes en bouche, et avec un t-shirt T.Rex) et Lou Reed, en 1972, à l'hôtel Dorchester de Londres. Ce dernier ouvre au photographe les portes de New York, lui permettant de suivre toute l’avant-garde punk de la ville.
Mais à force de fréquenter les rockstars et d’adopter leur mode de vie, Mick Rock se brûle les ailes. Sa dépendance à la cocaïne finit par le griller auprès de ses employeurs. Il doit subir un quadruple pontage au cœur en 1996, et une greffe du foie, financés par les managers des Rolling Stones. Bowie l’aide également en vendant certaines de ses photos. « Je ne sais pas comment j’ai survécu » raconte-t-il en 2015 à Paris Match. C’est seulement après un changement radical de mode de vie qu’il finit par revenir en grâce. Son objectif va capter les Strokes, The Prodigy, Snoop Dogg, Lady Gaga ou Daft Punk. Toujours avec la même intensité, le même sens du timing. En 2020, il réalise la pochette de l’album « Plastic Hearts » de Miley Cyrus. « Je ne cherche pas forcément une réalité littérale ; je cherche quelque chose qui a une part de magie » explique-t-il sur sa manière de travailler.
Le photographe s’est éteint le 18 novembre dernier, dans sa demeure de Staten Island à New York. Et la pluie d’hommages qui a suivi prouve bien qu’il était une légende du même accabit que ses modèles. Il avait connu un important hommage dès 2017, avec un documentaire qui lui était consacré, Shot! The Psycho-Spiritual Mantra Of Rock. Dans le trailer, on l’entend notamment affirmer : « je ne me suis jamais vu comme un voyeur. J’ai toujours vu les choses de l’intérieur ». Au milieu des stars, Mick Rock n’était pas un étranger. Il était des leurs.
Lou Reed and Mick Rock, 1976 #ConeyIslandBaby @TheRealMickRock pic.twitter.com/Vq528j3rSd
— Brian Eno News (@dark_shark) January 16, 2017