Les femmes du rock #4 : Astrid Kirchherr, première photographe des Beatles

La photographe allemande, qui a connu les Beatles à Hambourg quand ces derniers débutaient, est décédée en 2020 à l’âge de 81 ans. Elle était la première à avoir photographié professionnellement le groupe.
  • Elle a été au premier rang de la révolution pop. Mieux, elle l’a photographiée. Astrid Kirchherr a 22 ans quand elle tombe sur cinq Anglais pas encore dans le vent, sapés avec des blousons en cuir et avec l’ambition de jouer le plus possible pour se faire la main.

    C’est notamment grâce à son copain de l’époque, Klaus Voormann, qu’elle se rend dans le quartier du Reeperbahn à Hambourg où les Anglais se produisent. Un soir d’octobre 1960, elle les voit pour la première fois. Elle les trouve « très beaux » (sic), arrivant à canaliser une foule de marins et de prostitués fortement alcoolisés. Le timing ne pouvait être plus parfait : elle vient de terminer ses études en photographie au College of Design and Fashion de la ville. Astrid se lance et demande si elle peut les photographier. Ils acceptent, et prennent l’habitude de lui rendre visite où elle vit, dans une maison chez sa mère. 

    Lors des premiers shootings, la jeune Allemande qui ne parle pas anglais arrive à se faire comprendre tant bien que mal. Elle leur dit où regarder, positionne leur tête si besoin et n’hésite pas à taper du poing si les garçons commencent à se dissiper. Parmi les cinq lascars (John Lennon, Paul McCartney, George Harrison, Pete Best et le bassiste Stuart Sutcliffe), c’est le dernier qui a le meilleur look (spoiler : Stuart tombera amoureux de la photographe et restera par la suite à Hambourg avant de mourir d’une hémorragie cérébrale en 1962).

    À cette époque, à la fin des années 1960, George Harrison convainc le groupe de porter des vestes en cuir sur scène (ils le feront jusqu’en 1962 avant de devenir connus). Astrid en profite pour donner quelques conseils à Stuart. « Elle l'a modelé à son image : les cheveux coupés, les vestes en cuir plus ajustées, les cols de polo noirs. C'était un passage radical de l'influence du passé pop - le rock'n'roll des années 1950 - au présent, plus moderne, avec le cinéma New Wave français, les bohèmes des écoles d’art et une touche d’androgynie », peut-on lire dans un article du Guardian

    En leur faisant adopter une coupe au bol (moptop en anglais) en lieu et place de la banane, Astrid aurait adoucit l’image des « teddy boys » qu’ils avaient pour les rendre plus fréquentables (sauf Pete Best qui décide de garder sa coupe de cheveux). Pour le journaliste Jon Savage, les Beatles ont, à ce moment-là, mis fin à l’époque Victorienne (d’une certaine manière) et ont fait entrer le pays dans une nouvelle ère. Ces images noir et blanc sont un mélange de plein d’influences : les films de Jean Cocteau, les photographies de l’Américain Man Ray, les peintures de la Renaissance. Il faut dire qu’Astrid et sa bande d’amis sont, à l’époque, des « Exis » : des existentialistes qui s’inspirent de la rive gauche parisienne et des mouvements artistiques de l’époque comme la Nouvelle Vague. 

    Astrid restera amis avec les Beatles. En 1963, juste après leur première chanson placée numéro 1 dans les charts, elle part en vacances avec eux à Paris. Elle est aussi là sur le tournage du film A Hard Day’s Night et prend énormément de photos en coulisses. Son amitié avec George Harrison restera la plus forte. En 1968, elle s’occupe des photos pour l’un de ses albums intitulé « Wonderwall Music » (la B.O. d’un film du même nom réalisé par Joe Massot). Fatalement, la distance et l’éloignement font que les relations restent cordiales, mais sans plus. L’Allemande vit des droits de ses photos puis travaille en tant que décoratrice d’intérieur et ouvre un magasin de photo. Elle est décédée en mai 2020 à l’âge de 81 ans. Paul McCartney lui a rendu un bel hommage : « Nous étions tombés amoureux de son style. »