2022 M03 28
Une voix haut-perchée, androgyne, presque plaintive, et qu’on reconnaîtrait entre mille. C’est là le principal atout de Horace Andy. Entendu sur tous les albums de Massive Attack depuis pile 30 ans, il est surtout leur principal chanteur en live. Même s’il faudra patienter pour le revoir partager la scène avec eux : le duo a annulé toute sa tournée de l’été, en raison de soucis de santé d’un des membres, encore convalescent.
— Massive Attack (@MassiveAttackUK) March 24, 2022
Peut-être est-ce l’occasion d’attirer la lumière sur Andy, qui est bien plus qu'un interprète de trip-hop. Car le musicien est surtout une des grandes voix du reggae, qu’il pratique depuis plus de cinquante ans. Pas fatigué, il doit même sortir un album le 8 avril, “Midnight Rocker”, produit par l’Anglais Adrian Sherwood (musicien étonnant, vu autant chez Lee Scratch Perry que Ministry ou Cabaret Voltaire).
Cette loyauté d’Andy au reggae est sans faille. Dès les années 70, il était l’un des musiciens de référence du mythique Studio One. Alors sous son nom de Horace Hinds, il pousse la porte du studio en 1970. Les musiciens rient de sa voix étonnante, mais le fondateur du studio, le producteur Coxsone Dodd, sent le potentiel du jeune homme. Pour se distinguer de son cousin germain, Justin Hinds, en pleine gloire, Andy récupère le nom de Bob Andy, chanteur du groupe The Paragons. Aux côtés de Dodd, il publie un premier album, “Skylarking”, dont le single éponyme connaît un important succès. Le reggae est alors en pleine explosion, et s’il ne connaît pas la trajectoire d’un Bob Marley, le jeune chanteur devient très populaire sur son île, collaborant avec toutes les gloires locales (Phil Pratt, King Tammy, Prince Jammy, Robbie Shakespeare…), avec une productivité remarquable.
Parti aux États-Unis en 1977, Andy va moderniser son style, et notamment s’initier au dancehall. Son disque, justement nommé “Dancehall Style”, se place en 1982 comme référence dans le genre. Mais la popularité du chanteur semble derrière lui. Qu’importe : sa passion est intacte. En 1985, il part vers Londres, et signe sur Rough Trade. Il se met à produire lui-même ses morceaux en s’essayant à l’électronique.
Surtout, il est contacté en 1990 par un jeune groupe de Bristol : Massive Attack. À l’écoute du riddim du titre One Love, il comprend le talent du groupe et s’engage dans une collaboration au long cours, qui se poursuit encore. Lui ouvrant également un succès bien au-delà des amateurs du reggae. Le groupe va même capitaliser sur la carrière d’Andy, en reprenant certains de ses succès. Angel reprend ainsi un élément d’un titre de sa période Studio One, Spying Glass est d’abord sorti sur “Dancehall Style”. Quant à Man Next Door, il s’agit à l’origine d’un titre des Paragons, auxquels Andy continue ainsi de rendre hommage.
Cette curiosité musicale va continuer d’alimenter la carrière d’Horace Andy. Publiant ses disques sur le label de Massive Attack, Melankolic, il va également collaborer avec Mad Professor (autre proche du groupe de Bristol), les jeunes Dub Pistols, le Français Pierpoljak ou même Joe Strummer en 1999. En 2007, il réalise un disque avec le légendaire duo Sly & Robbie, qui le laisse pourtant sur sa faim. Dès l’année suivante, il explique :
“Je n’ai rien contre les musiciens plus anciens - ils ont à peu près mon âge. Mais beaucoup d’entre eux font encore les mêmes sons qu’il y a 30 ans. Je pense qu’il faut avancer”.
Une ouverture musicale malheureusement contrebalancée par un rastafarisme assez conservateur, voire homophobe. En 2008, le célèbre label Trojan refuse ainsi de publier l’un de ses titres, contenant la phrase “Dieu n’a jamais créé Adam et Steve, mais Adam et Eve”.
Malgré tout, cette combinaison de respect total du reggae et de curiosité musicale a fait d’Horace Andy l’un des musiciens les plus respectés du reggae. Passer du roots au dancehall puis au dub, avant de devenir une icône du trip-hop : peu de musiciens peuvent se vanter d’un parcours aussi riche.