Qui es-tu SAULT, toi le collectif de soul ultra secret ?

Révélé en février 2019 avec un single intitulé « We Are the Sun », le collectif SAULT s’est rapidement imposé comme en acteur incontournable de la scène anglaise, mais sans jamais faire de promo ni montrer aucun des visage. Et bien qu’ils aient sorti 5 albums et 1 disque éphémère, personne ne connaît encore leur identité (ou presque). Et finalement, qu’importe ? Les messages qu’ils véhiculent, eux, ont le mérite d’être clairs.
  • L’anonymat dans la musique, ça ne date pas d’hier. Aussi loin qu’on puisse remonter, les artistes ont toujours fait preuve d’inventivité pour cultiver le mystère autour de leur identité. Chez les Anglais du supergroupe SAULT, la technique est la plus basique du monde : ne pas se montrer et ne rien dire. C’est en respectant scrupuleusement cette démarche que les artistes qui composent le collectif se sont fait remarquer, juste avec leur musique donc, sans aucun artifice. 

    Quand la joyeuse troupe a débarqué outre Manche en 2019, avec la doublette d’album « 5 » et « 7 », sorti à quelques mois d’intervalle, une hype autour d’eux s’est formée instantanément. Dans cette société actuelle où l’information se propage à vitesse grand V, eux ont choisi de ne pas se montrer — même si on sait depuis que l’homme a tout faire du collectif se nomme Inflo et qu’il est un producteur influent d’Angleterre ; notamment des Kooks, de Little Simz ou encore de Jungle.

    Outre cet aspect incognito, il y a surtout leur musique. Lors d’une intervention pendant le Mercury Prize 2021, le producteur, patron du label Brownswood Recordings et véritable encyclopédie humaine, Gilles Peterson, la décrivait ainsi : 

    « Elle est extrêmement vivante. Ils adoptent une approche très classique des arrangements et de l’écriture des chansons. Mais, on peut déceler des nuances, des petites touches pour ceux qui aiment la dance ou encore la musique électronique. On peut également entendre du UK garage, de la house de New York, du funk, du classique, aussi des voix souls formidables… »

    Ensemble, ces artistes que l’on peut identifier en épluchant les crédits des disques du collectif font la synthèse de tout un pan de la musique anglaise, ajoutant à celle-ci un background qui leur est propre. Une identité sonore, qui dès l’année suivante avec la nouvelle doublette d’album dont SAULT va accoucher, sera gonflée d’un propos très militant.

    En 2020, alors que le monde sombre doucement, mais sûrement dans la pandémie et que le mouvement Black Lives Matter s’embrase, les Anglais reviennent en force avec deux albums (encore sortis l’un après vite l’autre) « Untitled (Black Is) » et « Untitled (Rise) ». Toujours sans promotion ni aucune forme de communication médiatique — ils postent tout de même quelques photos sur leurs réseaux. Ces brûlots politiques vont être amplement salués, à la fois par une presse spécialisée dithyrambique et un public constamment plus nombreux. 

    Si le premier acte est plus frontal, avec des messages directs exprimés jusque dans le titre des morceaux (Sorry Ain't EnoughDon't Shoot Guns Down, Out The Lies...), le second se veut plus optimiste, distillant au gré des pistes des ébauches de solutions pour « traverser cette épreuve ». En parallèle du fond, la forme a de nouveau été louée pour son originalité et sa force de proposition. Arrivé là, SAULT n’est plus qu’un collectif maîtrisant les genres (soul, funk, rap, R&B, jazz) qu’il mélange dans sa musique. Il devient aussi un acteur culturel et social à forte influence. 

    Dans la foulée de ces quatre albums, le tentaculaire groupe organisé autour de Inflo va de nouveau innover pour le suivant. Avec le brillant « NINE » (2021), ils prennent le pari de proposer un disque éphémère qui restera disponible sur les plateformes de streaming durant 99 jours seulement. Là encore, ils reconduisent la formule affinée jusqu’ici, en joignant à la (protéi)forme, un fond qui évoque la douleur que certaines personnes ont dû vivre face aux actualités désastreuses de ces dernières années. 

    Dorénavant bien identifiés dans le paysage musical, et au fur et à mesure que le voile autour de l’identité des membres du collectif Britannique se lève peu à peu, ils continuent pourtant de cultiver une part importante de surprise dans leur musique. La preuve avec le tout récent « Air », sorti le 15 avril dernier. 

    Comme les autres, nous n’avions pas vu venir cet album. Et encore moins la nouvelle direction artistique que ces 7 pistes dévoilent. Lors de ces 45 minutes, SAULT fait peau neuve et rompt avec les styles explorés jusque-là. Les Anglais offrent ainsi un disque sans percussion et presque exclusivement instrumental — hormis la chanson Time Is Precious. Une cabriole audacieuse et réussie, qui les projette sur le terrain de jeu des grands compositeurs de musique à l’image ; difficile de ne pas penser à Ennio Morricone. 

    De prime abord, tout semble différent. Mais en regardant d’un peu plus près, on s’aperçoit vite que l’intention reste la même. Toutes les compositions de ce « Air », portées par ces orchestrations quasi-angéliques de cordes et de chœur, reprennent en réalité le paradigme que Inflo et sa bande ont toujours défendu. Une nouvelle fois, il est question d’espoir et de renouveau. Car après la pluie, dixit Météo France, vient souvent le beau temps. 

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