Qui es-tu Mairo, toi le rappeur "dégueu-conscient" de Genève ?

Lorsqu’on parle de rap en Suisse, le nom d’un collectif revient souvent. Celui de la SuperWak Clique et de ses instigateurs Di-Meh, Makala et Slimka. Aujourd’hui, il faut en rajouter un. Mairo, dernière sensation venue tout droit de Genève. Le rimeur de feu s’apprête tout simplement à dévorer 2023.
  • Dans son dernier morceau paru à la fin septembre, Rap Mag, Mairo lâche : « D’après les bruits d’couloir, y a moyen qu’ça pète bientôt ». Visiblement, nous avons entendu les mêmes rumeurs. Il faut dire que depuis 2021 les planètes semblent s’aligner pour le rappeur de Genève. D’abord, le Suisse a été validé par Colors, qui l’a invité le temps d’un live remarqué. Ensuite, pour nos confrères de Grünt, ce membre de la SuperWak Clique (Di-Meh, Makala, Slimka) a de nouveau mis tout le monde d’accord lors d’une prestation saluée à l’unanimité. Bout à bout, ces éléments laissent à penser que son heure se rapproche. 

    En même temps, la persévérance finit toujours par payer. Mairo aiguise ses rimes depuis ses 12, 13 ans. Il appartient à cette époque où les artistes publiaient leurs morceaux sur ces bons vieux Skyblog, Myspace, Dailymotion. À cette période où les rappeurs se frittaient lors des sessions freestyles et s’invitaient dans chaque open-mic de leur ville. Sa passion pour cet art, il la partage avec son (petit) frère jumeau Hopital, qui n’est jamais bien loin de lui. Le premier écrit des textes pendant que le second compose les prods. Ensemble, ils proposent une musique authentique, autant inspirée par la noirceur de DMX que par la volonté de feu Nipsey Hussle.

    Cette idée d’authenticité est centrale dans ses chansons. Mairo l’expliquait d’ailleurs dans une récente interview : « je ne peux pas retenir mes mots. C’est comme si je les vomissais. » Malgré cette écriture viscérale, le Genevois fait partie de ceux qui ont le goût de la prose. Tel un acharné, il passe un temps fou à peaufiner chaque détail, chaque syllabe. Ce perfectionnisme se ressent jusqu’à la métaphore « dégueu-conscient », qu’il a inventée pour définir sa verve et son style. Ses textes, eux, se nourrissent de son quotidien, lui-même grandement influencé par ses origines érythréenne et indienne. Cette culture s’exprime en filigrane de ses morceaux et dessine des thèmes précis, notamment celui des colonisations ; aussi bien physique que mentale.

    Avant de rejoindre la SuperWak Clique en 2017, Mairo faisait déjà du son sous un autre alias. Mais tout s’est accéléré lorsqu’il a intégré le crew, puis dans la foulée sorti son premier projet solo, « 365 » (2017). Débarqué dans les rangs de cette bande d’artistes qui rythme la scène suisse (et plus si affinité), il multiplie les featurings et les apparitions avec chacun. Tout ça, jusqu’à révéler « 95 monde libre » (2020), un dix titres entièrement produits par son frère. Avec ce disque, le rappeur passe un cap, à la fois dans son art et sa renommée. Aux yeux de ses pairs aussi. Lorsqu’il atterrissait dans le viseur d’Alpha Wann, ce dernier ne se gardait pas de partager ses morceaux ; un geste symbolique dans le rap game.

    Vous vous doutez bien de la suite… À ce stade de l’aventure, comme bon nombre d’artistes en développement, Mairo se retrouve les jambes coupées par le Covid. Plutôt que de se lamenter, le Suisse en profite pour créer. Alors, en à peine un an, il enchaîne avec un autre EP, « Rougemort » (2021). La formule reste sensiblement la même que sur le précédent, quoiqu’encore plus abouti. Son frère Hopital, aux manettes sur la totalité des prods, multiplie les ambiances et les sonorités, pendant que le rimeur, lui, décuple les références. Plus profondes, elles se mettent autant au service de l’exercice de l’égo-trip, que de celui de l’introspection. 

    Grâce à ce dernier projet, Mairo s’est fait repérer fin 2021 par les équipes du Red Bull Studio, « sans vraiment savoir comment » comme il l’explique dans cette interview. La marque au taureau lui a ainsi offert deux jours de séance studio. En résidence à Paris pour plusieurs mois, le Suisse a finalement utilisé son cadeau. Au bout de ses sessions, dans cet article de Red Bull, le rimeur a donné quelques indices sur ses prochains mouvements :

    « J’ai bossé sur six titres ! Dès mon arrivée vers 10h le premier jour, j’ai entamé la session en posant un morceau que j’avais déjà écrit, sur une prod de Hopital […]. J’ai travaillé sur un deuxième son, une compo de Dj Lo (ndlr : alias Hologram Lo’) qui m’a rejoint pendant la séance […]. Puis j’ai invité deux artistes parisiens que je suis depuis un moment et qui évoluent dans des registres très différents. Je ne peux pas encore dévoiler leurs noms, mais les connexions seront surprenantes. »

    Un peu plus bas, toujours au sein du papier cité précédemment, Mairo développe encore son propos :

    « J’ai emmagasiné pas mal de feats, de sons sur des prods d’autres beatmakers que mon frère. Avec tout ça, je vais faire un puzzle et essayer de sortir un EP. Pour pouvoir ensuite me concentrer sur mon premier véritable album, la pièce sur laquelle tous les artistes ont envie de travailler. On vise 2023, mais on ne se presse pas. D’ici là j’enchaîne pour faire monter l’engouement. »

    Personne ne sait de quoi demain sera fait. Mais en attendant ce fameux premier disque, les plus avertis d’entre vous auront compris qu’il ne sera pas impossible d’apercevoir le Suisse assister les membres de la SuperWak Clique sur scène. Et pourquoi pas tout bientôt avec son compère Makala, actuellement en tournée ?

    Crédit photo en une : YouTube « Mairo - Attentat Uzi | A COLORS SHOW »

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