2022 M10 14
« Comment revenir après un énorme succès ? ». Cette question, n’importe quel artiste ayant produit un tube ou publié un album certifié se l’est un jour posée. Certains en profitent pour nourrir leurs morceaux de ces réflexions, d’autres ne parviennent jamais vraiment à se surpasser. Dans le cas d'Orelsan, c’est encore différent : fort du succès de Montre jamais ça à personne, le Normand a carrément décidé d’offrir une deuxième saison à sa série-documentaire, persuadé de pouvoir y raconter les coulisses de « Civilisation », le digne successeur de « La fête est finie ».
Dans ces quatre épisodes, on retrouve donc Orelsan dans ce studio en bois qu’il s’est aménagé dans le jardin de sa maison, près de Caen. On apprend qu’il n’a jamais travaillé aussi longtemps seul, qu’il a passé le confinement en famille, qu’il s’est aménagé son studio n’importe comment (pas de chaises, des enceintes différentes, un vieux fauteuil récupéré…) et que, dans un moment de délire total, il a même songé à un featuring avec Céline Dion. Mais au fond, est-ce vraiment plus étrange que le t-shirt Lionel Richie arboré dans sa cuisine ?
Dépourvue du charme de la nostalgie, nettement moins focalisée sur les archives, et donc plus proche du format promotionnel, cette deuxième saison a pour principal mérite de documenter de l’intérieur le processus de création de « Civilisation » : les moments de doute (« Je sens que je suis à bout. J’ai l’impression que je devrais faire un burn out mais que je n’y arrive pas »), les éclairs de génie, les remises en question et l’évolution de certains morceaux. Au-delà des premières maquettes, maladroites et inédites, Montre jamais ça à personne 2 en dit plus sur la composition de Jour meilleur (la chanson qui a tout déclenché ! ), sur la raison d’être de Manifeste, sur la réalisation presque fordienne de Dernier verre dans les studios de Pharrell et sur les prémices de Bébéboa, typique des dizaines et des dizaines de dossiers d'idées accumulés dans l'ordinateur d'Orelsan :
« Un morceau comme Bébéboa, si j'ai pu l'écrire aussi vite, c'est parce que je suis allé dans mon dossier thème "faire un morceau sur une meuf qui boit". Ensuite, je suis allé dans mon dossier "alcool", j'ai regardé tout ce que j'avais noté sur l'alcool et j'en ai mis dedans. En gros, je mélange tout le temps des idées de mélos avec des paroles. »
Sur le fond, on sent bien que cette deuxième saison est en partie là pour annoncer un nouvel évènement : une réédition ? Un feat avec Angèle, largement teasé par l'épisode 3 (et probablement nommé Évidemment) ? Exception faite des notions marketing, ces quatre épisodes offrent tout de même 116 minutes de pure sincérité. C'est un florilège d'instants drôles et créatifs, saisis sur le vif et voués à renforcer la sympathie envers Orelsan et son crew. Pour que, au final, chaque spectateur ait la même réaction que Vald au moment d’évoquer le talent du rappeur caennais : « Quel bâtard ! ».