2021 M10 19
- Au sortir de l’adolescence, Orelsan et sa garde rapprochée (Skread, Gringe, Ablaye, et donc Clément Cotentin) squattent dans l’appartement du rappeur caennais. Les premiers freestyles remontent à la fin des années 1990 - à l’image des séquences tournées en 1998 -, tandis qu'Orel, à l'aube de la décennie suivante, enchaine les démos. Prometteuses, mais loin d’être abouties. C’est l’époque où il porte des bobs, où il utilise encore le mot « sique-mu » et où Gringe est vu comme un « pique-assiette » par les parents de son meilleur pote.
- En 2003, lors d’une année scolaire passée aux États-Unis, Orelsan subit les moqueries de ses nouveaux compagnons de classe, passe devant un tribunal pour avoir consommé de l’alcool avant ses 21 ans et écume les journées en composant des beats sur sa MPC. Plus tard, il profite même des connexions de Skread avec Booba pour envoyer à ce dernier ses propres productions. Réponse de l’intéressé : « Les prods de ton pote, elles sont pas ouf. T’es plus obligé de me les faire écouter ».
- C’est grâce à Skread qu’Orelsan et Gringe signent leur premier contrat. À l’époque, le producteur rejoint Warner et exige d'être accompagné par les artistes de son label (7th Magnitude). Conséquence : les deux rappeurs encaissent un chèque de 10 000 euros. D'où cette punchline, pleine de sarcasme, balancée en 2018 sur Qui dit mieux, extrait du premier album de Gringe : « Dix mille eu/ Mon patron m'a dit : “J'suis sûr qu'on t'reverra d'ici peu” ».
- En parlant de Gringe, Orelsan dit avoir beaucoup copié la gestuelle de son pote pour ses premiers concerts. Qui ne se sont pas toujours passés comme il l’espérait, à l’image de ce premier live à Paris où son micro ne s’allume pas au moment de monter sur scène. Pas de chance : ses parents étaient présents dans le public ce jour-là…
- Il faut le savoir : dès son plus jeune âge, Orelsan se plaît à imiter les pas de danse de Michael Jackson. Ce qui donne encore un peu plus d’épaisseur à ces mots, extraits de San : « J'écris chaque phrase comme si Michael pouvait voir ça ».
- En 2006, lors d’un battle Unküt, tournoi de clash organisé par la marque de Booba dans un gymnase de 4000 places, Orelsan sèche au bout de trois punchlines. L’échec est total. D’autant que le jury est composé de quelques cadors du rap français (Booba, donc, Rim’k, Diam’s, Cut Killer, etc.) et qu’Orel avait anticipé l’exercice en écrivant tous les tours du tournoi comme s’il allait gagner. Il faudra attendre encore quelques années avant que le Caennais ne devienne Jimmy Punchline.
- Cette série documentaire est aussi l’occasion d’apprendre qu’Orelsan, pour peaufiner son jeu de scène, a fait appel à Olivia Ruiz. La preuve, s’il en fallait une que l’auteur de « La fête est finie » n’a jamais hésité à s’éloigner des codes du rap français.
- Quitte à affirmer son propre au style, autant s’inspirer des meilleurs : The Neptunes, qu’Orelsan aimerait bien pouvoir concurrencer avec Skread à ses côtés.
- Lorsqu’il s’agit de raconter une ascension, il convient également de s’intéresser au moment de galères. Et ça, il y en a un paquet dans Ne montre jamais ça à personne : dans l’appartement d’Orelsan, en coulisses de ses concerts, au moment d’enregistrer « La fête est finie », etc. Cela donne de chouettes making-of, comme celui de son premier clip, Changement, réalisé en mode débrouille. « J’aimais trop ce style où on faisait tout nous-mêmes et que c’était crade ».
- Aujourd'hui habitué aux projecteurs, Orelsan n'a pas toujours été ce gars à l'aise sur les plateaux télé. Un peu comme ce jour de 2011 où, dans Ce soir (ou jamais), émission présentée par Frédéric Taddéï, le Caennais a l'impression de passer pour « l'abruti de service ». Explications : « On me dit : 'Ouais, Taddéï, c'est à 22h. Le public et tout. Franchement, mets un gilet !'. Là, j'arrive sur le plateau avec un gilet et une coupe de premier de la classe [..] dans ma tête, je me dis : “C'est quoi l'Assemblée nationale ? Enfin, le Sénat ! Tu vois, je n'y connais rien”. Je ne comprenais rien depuis le début. »
- La beauté de Ne montre jamais ça à personne est aussi dans ce que cette série-documentaire montre du quotidien d’Orelsan, des petits moments a priori anodins. De ceux qui suggèrent l’émotion, renforcent la sympathie pour le rappeur. Comme lorsqu’on le voit shooter des objets avec la voiture de Gringe, glander dans l’hôtel où il assure la surveillance de nuit, ou lorsqu’il joue au street golf en treillis militaire cambodgien.