2021 M09 10
On dit que la musique adoucit les moeurs, mais visiblement, ce n'est pas le cas à Cuba. Du moins, pas dans le camp de Guantanamo, installé dans la précipitation en 2001 pour séquester les militants et terroristes islamistes supposés responsables des attentats du 11 septembre, et ce dans des conditions à la limite du supportable. Outre les sévices corporels bravant allègrement les droits de l'homme, les militaires en charge des prisonniers ont la "bonne idée" d'utiliser une technique ayant déjà fait ses preuves par le passé : faire écouter aux détenus des morceaux de la culture américaine pendant plusieurs heures, et ce à un volume si fort qu'il était censé faire craquer les ennemis de l'Amérique.
Au programme : le Born in the USA de Springsteen (assez logique, finalement), mais aussi des titres de Limp Bizkit (ce qui est une vraie torture pour tout le monde), Rage Against The Machine, Eminem ou encore Metallica. Diffusée de 4 à 23 heures d'affilée selon le degré de résistance des prisonniers, la musique rythmera donc le quotidien de Guantanamo pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, puisqu'à ce jour, le camp est toujours ouvert.
#FOIA reveals that "Britney Spears, @Metallica, and 'Rap music'" employed by #Guantanamo https://t.co/xc3zuHqGRt pic.twitter.com/nBSoUltwvr
— MuckRock (@MuckRock) March 30, 2016
Aussi étonnant que cela soit, personne ne semble s'offusquer à l'époque du traitement infligé aux supposés terroristes emprisonnés, torturés, aspergés d'urine et condamnés à écouter des musiques pop. Dans les médias américains, on s'amuse du fait que des Afghans subissent enfin la même punition que les Américains en écoutant Britney Spears; le New York Sun parle quant à lui de “musique d’ambiance pour secouer les djihadistes” et personne ne semble vraiment saisir le nouveau drame humain en cours, à retenir des personnes indéfiniment à des milliers de kilomètres de chez elle, sans espoir qu'elles soient libérées un jour.
La réaction des musiciens en apprenant que leurs musiques avaient été jouées à blinde dans une prison ? Mitigée. Skinny Puppy, groupe de heavy metal, s'offusquera mollement en exigeant un montant blague de 666 000 dollars au gouvernement ("Nous leur avons envoyé une facture pour nos droits musicaux car nous considérons qu'ils sont allés trop loin en utilisant notre musique comme une arme sans notre accord"). Quant à Metallica, son leader James Hetfield se dira "honoré que l'armée américaine ait utilisé la musique du groupe pour torturer psychologiquement des prisonniers de guerre parce que cela nous a aidés à rester en sécurité". Avec le recul, pas certain que le principal intéressé sorte grandi de cette déclaration, et idem pour l'Amérique.
Remembering that time Chumbawumba made Metallica fans salty with a satirical song about James Hetfield, shining light on how he condoned torture at Guantanamo. pic.twitter.com/Ws2MEK6A8I
— Winston Smith (@WSmith01984) February 8, 2021
Rappelons que ce n'est pas la première fois que l'Oncle Sam fait cracher les enceintes pour torturer ses adversaires. La même technique avait été utilisée par George Bush (le père) pendant la guerre du Golfe, au simple prétexte que les Irakiens ne connaissaient rien au heavy metal, et ne pouvaient pas supporter cette musique du diable. A l'époque, les groupes sélectionnés étaient Metallica et AC/DC; deux groupes encore en activité en 2021 et qui pourraient donc encore martyriser durablement les terroristes du monde entier. Au moins le rock, lui, n'est pas mort.