2021 M06 29
Pour sans doute beaucoup d’entre nous, la musique a sauvé les différents les confinements. Que ce soit par l’écoute, mais aussi, pour certains, la pratique. Chanter ensemble depuis son balcon, amener un instrument pour ceux qui le peuvent ; d’autres ont joué via visoconférence, sans compter l’énorme quantité de livestreams qui ont explosé en 2020. D’une certaine manière, même les applaudissements à vingt heures peuvent être vus comme un rituel musical rudimentaire. Une manière de constater une nouvelle fois le rôle fondamental de la musique : presque sans y réfléchir, de nombreuses personnes y ont eu recours pour retrouver du contact social.
Un tel constat a immédiatement intéressé les scientifiques, en particulier dans les neurosciences sociales. Qu’y a-t-il dans notre cerveau qui nous pousse autant à faire de la musique avec d’autres ? Plusieurs études et articles scientifiques ont ainsi été réalisés sur le sujet. L’un d’entre eux, mené entre Israël et Chicago par David Greenberg, Jean Decety et Ilanit Gordon, propose un modèle de compréhension. Intitulé « Les neurosciences sociales de la musique : comprendre le cerveau social à travers le chant humain », il ne propose pas vraiment de nouvelle étude empirique, mais plutôt une synthèse de très nombreux travaux sur le sujet (remontant jusqu’à Darwin). Le but est double : d’abord, poser une hypothèse et un modèle de compréhension du rôle de la musique dans notre construction sociale ; ensuite, poser les bases d’un nouveau champ de la recherche, les neurosciences sociales de la musique. La conclusion de l’article encourage notamment à éprouver leur théorie.
Celle-ci met notamment en avant cinq mécanismes de notre cerveau mis en action par la musique (en particulier lorsqu’on en joue à plusieurs). D’abord, la musique alimente le circuit de l’empathie ; elle permet la sécrétion d’ocytonine, « hormone de l’amour », encourageant le lien social ; elle aide également à produire la dopamine, neurotransmetteur responsable de la sensation de plaisir et de récompense ; la musique met également en branle nos réflexes de langage, en particulier quand la musique a une structure de question-réponse (comme dans le gospel, par exemple) ; enfin, elle permet de réduire la production de cortisol, l’hormone du stress. Au total, ce sont 12 régions différentes du cerveau qui sont affectées par la pratique de la musique.
On comprend dès lors le rôle infiniment profond de la musique. L’article rappelle que, selon plusieurs hypothèses, elle s’est développée en même temps que le langage, avec la même fonction sociale. Car si toutes les sociétés, sans exception, font de la musique, c’est bien qu’elle présente un avantage. Pour David Greenberg, par ailleurs saxophoniste de jazz, cet avantage est clair : la musique permet de cimenter des sociétés, de connecter les êtres humains entre eux. Optimiste, l’Israëlien voit dans la musique un moyen « d’aider à améliorer les liens sociaux dans le monde, en particulier dans les cultures en conflit ». La conclusion de l’article imagine également des applications cliniques d’une telle hypothèse, pour aider les personnes ayant des troubles sociaux (en particulier les personnes sur le spectre autistique). Bref, pour résumer : montez un groupe.