Russie : il partage un clip de Rammstein et écope de 2 ans de prison

Le 29 mars, le tribunal de Lomonossovsky, en Russie, a rendu son verdict : Andrei Borovikov, 32 ans, est condamné à deux ans et demi de prison ferme pour « production et distribution de pornographie ». Son crime : avoir partagé le suggestif clip "Pussy" de Rammstein. Une condamnation absurde qui cache une réalité encore plus sombre.
  • En 2014, Andrei Borovikov partageait sur Vkontakte, réseau social russe très populaire, le clip du morceau Pussy de Rammstein. Il existe deux versions de ce clip de 2009, une très suggestive, et l’autre reprenant carrément des extraits de films pornographiques. On ne sait pas quelle version a été relayée par Borovikov. Mais dans tous les cas, ce simple relais a suffi pour l’accuser, en septembre 2020, de « production et distribution de pornographie », menant ainsi à sa condamnation. Pourtant, des centaines d’utilisateurs de Vkontakte ont reposté le clip, tandis que Borovikov a supprimé son post d’origine. Et, selon Le Monde, il est tout à fait courant de trouver des contenus pornographiques sur le site.

    La situation pourrait prêter à rire, mais elle est bien plus inquiétante qu’on pourrait le croire. Car Andrei Borovikov est un activiste écologiste russe, proche d’Alexei Navalny. Ce dernier, farouche opposant de Vladimir Poutine, est au coeur de l’actualité depuis son empoisonnement en août 2020, qu’il impute aux services secrets russes. Récemment, tous les QG qui avaient servi à sa campagne présidentielle avortée se sont auto-dissous, au moment d’être qualifiés d’organisations « extrémistes », au même rang que Daesh ou Al-Qaïda.

    Pour Natalia Zviagina, directrice du bureau d’Amnesty International à Moscou, cela ne fait aucun doute : le procès de Borovikov est « une parodie de justice », visant à enfermer un opposant politique :

    « Les poursuites engagées contre Andreï Borovikov sont profondément absurdes. Il est flagrant qu’il est sanctionné uniquement pour son militantisme, et non pour ses goûts musicaux », avant de poursuivre : « Les autorités russes devraient se concentrer sur les moyens de sortir de la crise des droits humains qu’elles ont créée et qui ne cesse de s’aggraver, plutôt que de manigancer de nouvelles manières absurdes de poursuivre et de faire taire leurs détracteurs. »

    L’ONG souligne que ce n’est pas la première fois qu’un militant est poursuivi sur un motif absurde : « Au début du mois, l’artiste et militante féministe Yulia Tsvetkova a été jugée pour le même type d’infraction en raison de ses dessins de corps de femmes ».

    Il faut reconnaître que le déroulement du procès est troublant. L’un des principaux témoins, s’étant déclaré choqué par la vision du clip de Rammstein, est un informateur de la police, qui était entré en contact avec le condamné. Amnesty le soupçonne d’avoir été directement envoyé pour piéger Boronikov. D’autres témoins ont d’ailleurs admis, lors du procès, avoir été contactés par la police.

    Quant au groupe allemand, il a réagi à l’affaire à travers son guitariste, Richard Kruspe. Celui-ci a posté un court message sur Instagram, expliquant que « la sévérité de la sentence est choquante », et que « Rammstein a toujours été en faveur de la liberté artistique, en tant que droit fondamental pour tout être humain ». Ou, comme le résume Amnesty International, « il est étonnant que des affaires de ce genre puissent même être portées devant les tribunaux. »