2022 M11 9
Parce qu’il a confié la réalisation de l’album à Timbaland et aux Neptunes
En 2002, le monde du R&B célèbre le succès d’Usher et Craig David en leur cherchant de dignes héritiers et voilà que Justin Timberlake tombe à pic pour rafler le magot des sanglots, celui des hommes dont les larmes mises en musique deviennent illico la bande-son d’auditeurs aux cœurs brisés. Sauf que l'ex-Mouseketeer refuse d'admettre quelconques concessions : « C’est juste Justin », affirme-t-il d'emblée. Façon de dire que « Justified » n'est pas une ressassée, qu’il suffit de tendre l’oreille à la production, loin de se limiter aux codes de la love-song surjouant les peines sentimentales.
Pour cela, le beautiful boy s’est associé à Timbaland (à la production sur quatre titres, dont (And She Said) Take Me Now , porté par les chœurs de Janet Jackson) et aux Neptunes (Chad Hugo et Pharrell sont présents sur sept morceaux), chargés de synthétiser des décennies de musique en des pop-songs qui ne durent jamais plus de quatre minutes et qui, pourtant, paraissent éternelles. Exactement ce que recherche Justin : « J’essayais de faire un album multidimensionnel, un disque qui puisse capturer l’énergie de mes musiques préférées, celles des années 1960. Pendant ces six semaines passées à travailler ces morceaux, je vivais donc dans un monde de rêve, où je pouvais chanter aussi bien du hip-hop, que du R&B old school et du rock classique. »
Parce que l’efficacité n’empêche pas l’expérimentation
Un an après le quatrième et dernier album des ‘N Sync, Justin Timberlake souhaite s’imposer comme un artiste à part entière. Alors, Timbaland en profite : sous un vernis mainstream, le Virginien innove et intègre chaque idée qui lui traverse l’esprit. Sur Cry Me A River, par exemple, on entend des chants grégoriens, des violons, des synthés, du beatbox, des guitares orientales et même un tas de chœurs aptes à susciter l’emphase. Résultat : ce single devient un immense classique, à tel point que la réalisatrice Greta Gerwig a contacté Justin Timberlake pour lui demander l’autorisation d’illustrer une des scènes de Lady Bird avec cette chanson, qu’elle va jusqu’à considérer comme le Gimme Shelter de sa génération.
Il y a également ce clip, cachetonné à 350 000 livres, où Justin Timberlake et le réalisateur (Francis Lawrence) ne mentionnent jamais directement le nom de Britney Spears - une méthode également appliquée sur Still On My Brain et Never Again. Tout est suggéré, évoqué de façon plus ou moins subtile. Ce qui n’a pas empêché la vidéo de se créer une place au sein du panthéon de la pop culture. Et de permettre à Justin d’être en quelque sorte le papa du revenge porn.
Parce que « Justified » contient bien d’autres tubes générationnels
Cry Me A River n’est bien évidemment pas le seul extrait de « Justified » à connaître un tel impact : il y a également Señorita, Like I Love You ou Rock Your Body, un titre initialement composé pour l’album « Invicible » de Michael Jackson, mais non retenu au moment de valider le tracklisting final. Le Roi de la Pop préfère s’entourer de ses plus fidèles collaborateurs, et n’a de toute façon aucune envie d’entrer en studio avec les Neptunes, pas assez connus à son goût : un comble quand on sait que Chad Hugo et Pharrell sont des inconditionnels de la discographie de Michael Jackson, et que « Off The Wall » et « Thriller » étaient écoutés en boucle lors des sessions d'enregistrement.
Parce que Justin Timberlake en profite pour s’encanailler
Certes, Justin Timberlake parle ici essentiellement de flirts et de séduction, mais on n’est jamais réellement dans l’amour ou le sexe. Plutôt dans l’avant ou l’après, dans la drague ou les regrets. Au détour de quelques morceaux, on l’entend même poser aux côtés des poulains des Neptunes (The Clipse, les pionniers du cocaïne rap) et de Timbaland (Bubba Sparxxx, grand manitou du hip-hop redneck). C’est dire si « Justified » n’est pas un album facile, taillé pour le midinettes. En un sens, il annonce même avec quelques années d’avance l'émergence de chanteurs pop prêts à s’aventurer dans des paysages sonores plus « urbains ».
Parce que « Justified » est un déclic
Justin Timberlake l’a régulièrement rappelé, conscient qu’il ne pouvait pas rêver d’un meilleur envol pour sa carrière solo que ce premier album. Et plus spécifiquement encore ces quatre singles, qui lui permettent de devenir l’une des plus grandes icônes pop de ce début du siècle, provoquant une vague d’hystérie comparable à celle connue par Leonardo Di Caprio après la sortie de Titanic. À 21 ans, il devient multimillionnaire, sort avec Cameron Diaz, fait oublier son image d’icône teen - quand, à titre de comparaison, Ryan Gosling a mis plus d’une décennie à se sortir du Disney Club -, et apprend à exploiter sa popularité pour se consacrer à des projets toujours plus ambitieux. En premier lieu : « FutureSex/LoveSounds », un album moins porté sur le R&B que sur le rock, la trance, la soul ou la new wave.