2022 M02 22
C’est un cowboy urbain. Tout un paradoxe, mais il suffit d’écouter ce chanteur canadien pour que tout soit limpide. Car malgré son masque à franges, Orville Peck ne cache rien. Du moins rien d’essentiel. Il lui a suffit d’un album autoproduit, puis publié chez Sub Pop, pour s’imposer. Avec ce « Pony », il s’imposait avec une country à la fois purement classique, et pourtant très contemporaine. Le songwriting est assuré, et sa voix large et vibrante sait nous tenir en haleine. Le voilà de retour avec un second album, « Bronco », annoncé pour le 8 avril chez Columbia. Long de 15 morceaux, il se divise en quatre chapitres, dont le premier, de quatre titres, est déjà disponible. Manifestement, l’inspiration et la théâtralité sont encore au rendez-vous, avec une capacité à s’inspirer de sonorités psyché et sombres.
Mais d’où vient Orville Peck ? Certains ont percé son identité à jour. Il s’agirait de Daniel Pitout, 33 ans et ancien batteur d’un groupe de punk. Fils d’un ingénieur du son et d’une artiste, il a baigné très tôt dans le monde du spectacle, comme acteur ou danseur. Sa passion de la country lui vient de l’enfance, lorsqu’il découvre Dolly Parton puis Merle Haggard. Il aime ce style, « à la fois sincère et dans la démesure ». Mais la seule identité qui compte est celle qu’il assume masqué. C’est là qu’il combine toutes ses qualités. « J’utilise le masque pour augmenter la qualité artistique de ce que je fais » explique-t-il. « Cela me permet d’être ouvert, exposé et vulnérable dans ce que je chante
Car Peck n’hésite pas à se livrer en chansons, évoquant notamment ses aventures avec d’autres hommes. Ouvertement gay, il entend bien bousculer les préjugés virilistes entourant la country. « Il y a de la place pour une véritable diversité dans la country. Je pense qu’elle a une mauvaise réputation à cause de personnes qui ont une certaine idée de ce qu’est la country. » Lui préfère se concentrer sur les histoires que raconte cette musique, son folklore.
Sa musique, elle, est capable de se faire hors du temps. Inspirée de grands artistes des années 50 (son maniérisme vocal peut rappeler tantôt Roy Orbison, tantôt Johnny Cash), elle puise également dans le rock des années 70, mais aussi les revivals psyché plus récents. Un classicisme assumé, qui ne l’empêche pas de reprendre le Born This Way de Lady Gaga en donnant l’impression qu’il s’agit d’un standard country. Le tout servi dans des concerts très travaillés. « Ce que j’essaye de faire, c’est un show country classique. C’est très théâtral, il y a du drame, des costumes. »
Pourtant, son parcours n’a rien de classique dans la country. Le Canadien s’est taillé une place dans la sphère pop. Il fait la couverture de GQ et devient même l’égérie pour Dior ou Ivy Park Rodeo, la marque de Beyoncé. On le retrouve aux côtés de Miley Cyrus, ou en première partie d’Harry Styles au Madison Square Garden, ou dans la bande-son de la série Euphoria. Autant de signes que malgré son côté retro, Peck est parfaitement contemporain. Et c’est justement son amour de la tradition qui le permet. C’est parce qu’il croit profondément en la capacité de la country de parler du monde moderne, de raconter des histoires qui résonnent en chacun. Il se l’accapare et y met de lui-même, sans jamais trahir la sincérité exigée par le genre. Ce faisant, et malgré son masque à la Daft Punk, il est devenu un nouveau visage de l’Amérique post Donald Trump. Un visage qu'on préfère mille fois, évidemment.
"Bronco", le nouvel album d'Orville Peck, sortira le 8 avril.