Avec sa bande originale, la série Euphoria décrypte les goûts musicaux de la génération Z

Alors que sa deuxième saison est en cours de diffusion, la série Euphoria confirme surtout une chose : la musique y occupe une place majeure. Et alors qu’elle sert même d’outil de promotion à de futures sorties, elle dresse surtout un beau portrait de la jeune génération.
  • On le sait : la synchronisation (le placement d’une musique pré-existante) est un devenu l'eldorado des musiciens. L’émergence des plateformes de VOD a multiplié les contenus, et donc la demande. Mais on voit également apparaître des séries où la musique occupe un temps énorme. Et puis il y a Euphoria, avec plus de vingt morceaux par épisodes. L’épisode qui a inauguré la seconde saison le 9 janvier en contenait pas moins de 34.

    La présence quasi continue de musique s’explique notamment le contexte de la série : elle suit un groupe de lycéens de 17 ans, issus de ce qu’on appelle la génération Z (celle née après l’an 2000, bien que les acteurs soient en réalité plus âgés), découvrant les addictions, la sexualité ou même leur propre identité. Comme l’explique la superviseuse musicale Jen Malone : « ce sont des adolescents, donc bien sûr qu’il allait y avoir de la musique partout » Mais cela ne lui a pas fait peur, et son travail de titan pour implanter des morceaux (en plus de la musique originale) a été salué. Plus encore, Euphoria sert désormais de support de promotion : le teaser du prochain épisode, à venir dimanche, fait également entendre un extrait du prochain titre de Lana Del Rey.

    Bien sûr, ces jeunes personnages écoutent des titres récents. Lana Del Rey en est déjà un exemple, et on peut aussi penser à Billie Eilish, Rosalia, BTS ou encore Angel Haze, et, dans un autre registre, Megan Thee Stallion. Mais Malone, ainsi que le créateur de la série Sam Levinson, puisent dans des titres de toutes les époques, suffisamment universels pour exprimer ces tourments adolescents avec une justesse intacte. La chanson Coffee And Cigarettes accompagne ainsi un moment de doute du personnage principal, Rue (incarnée par Zendaya), ou la version par Bobby Womack de Fly Me To The Moon accompagne une série de flashbacks.

    Et les exemples sont nombreux : Curtis Mayfield, Isaac Hayes, Bo Diddley, les Animals, tous offrent de touchants moments de synchronisation, résonnant parfaitement avec les tourments adolescents. La saison en cours pousse encore plus loin, citant Ennio Morricone, Judy Garland ou même les pionniers du krautrock, CAN. « Il y a vraiment des moments où on essayait toutes les époques, tous les styles, pour voir lequel correspondait dans ce puzzle » explique Malone.

    Mais le meilleur exemple est sans doute le titre My Body Is A Cage, d’Arcade Fire, accompagnant l’épisode final de la première saison, offrant un moment musical poignant. Pour Jen Malone, « Ce sont d’abord des bons morceaux, qui peuvent éventuellement fonctionner dans une scène, permettre de comprendre ce que vivent les personnages. » La série s’amuse même à flouter la limite entre musique écoutée par les personnages et musique audible uniquement pour le spectateur. Ainsi, le titre de Bobby Womack comme lui d’Arcade Fire sont en réalité directement écoutés par les personnages.

    Car ces derniers ont des goûts musicaux déjà bien affirmés. En particulier sur le plan du hip-hop. Sur ce point, Malone avait déjà prouvé son expertise en travaillant sur la série Atlanta, de Donald Glover. Elle place ainsi dans la playlist de ses adolescents des titres de toutes époques. Le premier épisode de la saison 2, en particulier, aligne coup sur coup Notorious B.I.G., 2pac, B.O.B et DMX. Si ces goûts rétro ont pu en surprendre certains, cela reste pourtant très cohérent : pour rappel, dans un récent sondage, on apprenait que 82 % des jeunes Américains préféraient la musique des années 2000 à celle de leur époque.

    La musique vient donc définir les personnages, et, en creux, dresse un portrait de la jeune génération. Et celui-ci est plutôt riche, reflétant la curiosité musicale qui caractérise une génération née avec les plateformes de streaming. De quoi éventuellement rassurer ceux pour qui les jeunes n’écoutent plus rien de bon. Et pour qui veut se faire un avis, la série d'HBO est disponible sur myCANAL avec OCS.