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Si l'on vous dit vidéos et buzz, ça fait longtemps que vous ne pensez plus à YouTube, mais à TikTok. Et pour la plateforme lancée en 2005 et propriété de Google, c'est un problème. Progressivement abandonnée par la nouvelle génération au profit de la machine à likes de ByteDance, YouTube tente désespérement de remonter la pente depuis quelques années. Il y a d'abord eu l'apparition des Shorts, soit des vidéos courtes limitée à 60 secondes. Mais visiblement, il faut aller encore plus loin. Comment ? En s'appuyant sur la technologie qui fait parler tout le monde depuis un an : l'intelligence artificielle.
YouTube has launched 'Dream Track' that will allow users to create a track with the voice of famous artists via generative AI!
— WP Social Ninja (@WPSocialNinja) November 23, 2023
But only snippets of the approved artists' style can be created. YouTube hopes that this feature will help to avoid the misuse of deepfake. pic.twitter.com/uGTpYeGTaK
La nouvelle arme quasi nucléaire de YouTube, au sens où elle défie l'éthique ? Dream Track. Un outil basé sur l'IA, actuellement en test auprès de 100 utilisateurs, et qui permet aux heureux élus d'imiter des artistes comme Demi Lovato, John Legend, Charli XCX ou encore Sia. En résumé, et comme des deepfakes audio, la plateforme avoue être déjà en capacité d'autoriser la "photocopie" de voix connues du grand public, et pilotables par les utilisateurs grâce à des prompts (des commandes tapées à partir de mots-clés pour définir l'humeur du titre et la thématique). Pour l'heure, Dream Track est cantonné aux Shorts, soit des chansons très courtes. Mais demain, si l'option est lancée à grande échelle, serait-il possible que la plateforme soit envahie par des milliers (millions ?) de chansons clones "composées" par les fans ?
Autre paradoxe de l'histoire : alors même que YouTube annonce le lancement de Dream Track, la plateforme prévient qu'elle autorisera les labels à supprimer les contenus qui imiteraient illégalement la voix d'un.e artiste. Manière de se protéger juridiquement face aux utilisations pirates qui déjà tournent en boucle sur YouTube (on pense aux fake tracks d'Angèle ou Drake, par exemple), mais aussi de faire le tri entre les pistes autorisées par les artistes ayant donné leur accord pour faire don de leur voix, et les autres. L'ultime étrangeté de cette innovation, c'est que YouTube, pour compléter le tableau, annonce dans le même temps que les spectateurs commenceront très prochainement à être prévenus lorsqu'ils regardent une vidéo réalisée grâce à l'intelligence artificielle. L'équivalent du “Parental Advisory : Explicit Content” des années 90 placardé sur des albums de rap, en somme.
Alors, la guerre des clones est-elle officiellement déclarée ? La réponse est évidemment oui. Pour autant, pas certain qu'elle soit gagnée d'avance : 74% des personnes sondées croient pour l'instant que l'intelligence artificielle ne devrait pas servir à cloner la voix de nos artistes préférés, selon un sondage. Et les récents débuts sur YouTube d'Anna Indiana, une chanteuse 100% IA (musique, paroles et visuel), sont rapidement devenus la risée d'internet avec certes 24 millions de vues, mais ausi le titre de "pire chanson de tous les temps" décerné par les internautes. Et ça, c'est tout sauf un détail artificiel.