Mais qui est le gamin sur la pochette de l'album “War” de U2 ?

En 1983, la bande à Bono doit rebondir après l’échec commercial de son deuxième album “October”. Les Irlandais reviennent alors aux sources avec un disque engagé dont la couverture fait écho à celle de leur premier disque. On y voit le même enfant, devenu l'un des emblèmes du groupe.
  • Pour illustrer leur troisième album, les Dublinois de U2 sont allés chercher une vieille connaissance : Derek Rowen. Ce nom est pratiquement inconnu du grand public, mais il s’agit du meilleur ami de Bono, lui aussi musicien dans le groupe Virgin Prunes. Quand le leader de U2 lui indique avoir besoin d’un enfant pour un visuel, son pote lui dégote le garçon idéal : son petit frère. C’est ainsi que Peter Rowen est devenu le visage du groupe légendaire (au moins sur le premier et le troisième album). Pour info, le garçon a été payé en... barres chocolatées.

    Bref, un beau jour, Derek emmène son frère et Bono dans une banlieue dublinoise pour shooter ce qui deviendra la cover de “War”. Les trois se retrouvent dans le jardin du photographe Ian Finlay. Peter se souvient du jour du shooting : “On est allé dans la maison du photographe, où sa femme a préparé une soupe que je n’ai pas aimée. Et sur le chemin du retour, Bono, qui conduisait, a failli rentrer dans une autre voiture !” Bien qu’on pourrait croire que c’est à cause du breuvage de madame Finlay que ce gamin prend un air énervé, ce n’est pas le cas. Son attitude sur la photo est une demande directe du groupe pour établir un lien entre le titre du disque et sa pochette.

    Lorsque cet enfant est exposé aux yeux du monde sur l’artwork de “War”, il a déjà une longue histoire en lien avec celle du groupe. Déjà en septembre 1979, alors que le groupe The Hype vient de se transformer en U2, il sort son premier maxi : “Three”. Sur la cover, on retrouve la même bouille (cette fois désemparée) du petit Peter Rowen. Puis rebelote l’année suivante avec la sortie du premier album studio des Dublinois “Boy”. 

    La similitude entre les pochettes de “Boy” et “War” est presque choquante. Ce qui l’est tout autant, c’est la différence entre le titre du premier et celui du troisième album de U2. C’est sûr que pour illustrer un disque qui s’appelle “Boy”, mettre un petit garçon semble évident, mais pour “War”, c’est plus complexe que ça. Quand Bono est interrogé par le NME à la sortie de l’album sur la signification de sa pochette, il répond : “War pourrait être l'histoire d'un foyer brisé, d'une famille en guerre. Au lieu de mettre des tanks et des fusils sur la couverture, nous avons mis le visage d'un enfant. La guerre peut aussi être une chose mentale et émotionnelle. Elle n'a pas besoin d'être physique.” Histoire d’effectuer quand même un changement entre les deux pochettes, le jeune garçon fronce les sourcils, l’air énervé, sur celle de “War”, ce qui n’est pas le cas sur celle de “Boy”. La force de cette dernière se trouve principalement dans la puissance du regard.

    De son côté, le garçon a lui aussi partagé sa vision de la pochette des années plus tard pour le New York Post : “Je suppose que la cover de ‘War’ montre ce que le monde peut faire à un enfant : lui faire perdre son innocence.” Si l’on tombe sur la pochette de “War” sans avoir le contexte, on pourrait croire qu’il s’agit ici d’une fainéantise artistique plus qu’autre chose. Mais en réalité, le concept de cet artwork a été longuement réfléchi et il dégage un sens profond.

    Le visage juvénile de Peter Rowen est devenu un véritable symbole pour U2. Il a même été utilisé une nouvelle fois pour la pochette du premier Best Of du groupe sorti en 1998. Et il faut croire que les multiples shootings de ce gamin avec U2 ne l'ont pas traumatisé (contrairement à celui de la pochette de "Nevermind" de Nirvana) puisqu'il est devenu lui-même photographe. Il est même allé shooter le groupe à l'un de leurs concerts en 2001. Ça serait un joli clin d'œil si le groupe fait un jour appel à lui pour photographier une pochette d'album.