Les Kings of Leon sont-ils devenus les U2 du rock ?

Alors que les Américains viennent de publier deux nouveaux titres (à écouter ci-dessous) et d’annoncer un nouvel album pour 2021, intitulé « When You See Yourself », essayons de voir comment ils sont passés de sensation rock indé à groupe de stade aseptisé. Merci qui ? Merci Bono.
  • Pour Kings of Leon, la transition s’est réellement opérée avec « Only By The Night », en 2008. Avant ce disque, les Américains étaient plutôt comparés aux Strokes (ils ont été signés par l’homme qui a découvert la bande à Julian d’ailleurs). Ils séduisent alors le difficile public britannique et font du rock sans concession, crade et baigné au whisky du sud des États-Unis (« Youth and Young Manhood », « Aha Shake Heartbreak »). Le groupe tape dans l’œil d’Elvis Costello, de Pearl Jam et de Bob Dylan, qui invite les rois à faire leur première partie. Mick Jagger, Lars Ulrich et Jimmy Page demandent à être sur la guestlist pour voir le phénomène sur scène. Il y a de quoi flipper, mais aussi prendre le melon. Logique. Mais c’est quand Bono va « mettre la main » sur les Kings que tout va changer. 

    Dès 2005, le groupe fait les premières parties des Irlandais durant leur Vertigo Tour. Ils ont l’occasion d’assister à leurs concerts, tous les soirs, et de voir les maîtres à l’œuvre. « Je pense que cette tournée va avoir un effet sur notre album suivant. Je dirais que les chansons seront plus précises, plus vives et seront taillées pour les stades », explique Jared sur un site de fan de U2, en 2005. La façon dont ils abordent les concerts évolue aussi : fini les sets de 45 minutes sans aucun répit. Kings of Leon se met à ajouter des morceaux plus lents à la setlist, pour faire « durer le plaisir ». « On a ajouté deux titres plus doux au milieu pour que les gens puissent faire une pause, fumer une clope, boire une bière et envoyer un SMS », poursuit Jared. 

    En 2007 sort « Because Of The Times » et, déjà, une première transition s’est opérée : l’album est plus sombre, avec des compositions plus cinématographiques qui laissent place à la musique, à l’espace, aux variations de tempo et de sonorités. L’image du groupe, aussi, devient plus lisse. Petit à petit, Kings of Leon se transforme en un groupe pop et délaisse le rock des premiers jours.

    Leur mutation, comme un Pokémon, se termine avec « Only By The Night ». Un bel album, bien produit, avec des belles guitares, un beau son, une belle voix bien claire. Un peu trop « beau » justement, qui manque de folie, d’erreurs, d’enthousiasme et d’extravagance. Deux énormes tubes, Sex On Fire et Use Somebody, viennent de placer Kings of Leon dans une arène pour le reste de leur carrière. Avec ces deux morceaux, les Américains viennent dire à des groupes comme Coldplay qu’ils peuvent rivaliser. « On n’est pas Ozzy Osbourne, on est un groupe pop », dira Jared Followill deux ans plus tard, en 2010. Pensé, calculé et abordé pour être joué dans un stade, l’album « Only By The Night » a réussi son pari : ils sont les nouveaux U2. Au magazine Rolling Stones, Caleb dit : « Tout le monde nous parle de musique indie, mais est-ce que t’as vraiment envie d’être un de ces groupes indés qui font deux albums et disparaissent. C’est juste triste. » Un peu comme le nouveau titre Bandit, à écouter ci-dessous.

    Après ce disque, fatalement, les choses ne seront plus comme avant. Les fans des débuts méprisent le groupe et préfèrent se réfugier dans les deux premiers albums tandis que les nouveaux adorent les nouvelles chansons et s’empilent en masse à chaque concert pour chantonner Use Somebody. Classique. Et il y aura toujours ce même débat entre les fans : est-ce une trahison ou une évolution (allez demander à Kevin Parker) ? Peu importe votre avis, Kings of Leon l’assume. Enfin, presque. Car sur « Come Around Sundown », on retrouve un peu le groupe des débuts et celui de 2010. Un mauvais mélange, mais aussi une manière de digérer le succès (la pression, tout ça) et les tournées à guichets fermés. Au sein du groupe, là aussi, sans surprises, des tensions émergent. Ils voyagent séparément, passent le moins de temps ensemble et ont du mal à se blairer. « Mechanical Bull » en 2013 et « Walls » en 2016 ne procurent pas d’émotions. On se dit même que la fin est proche, lente et douloureuse. Mais c’était sans compter sur 2021. 

    Kings of Leon are back ! Les Américains viennent d’annoncer « When You See Yourself », un huitième album, prévu pour le 5 mars. Deux titres sont d’ores et déjà en écoute : The Bandit (passez votre chemin) et 100 000 people, un peu plus expérimental et audacieux. Une chanson où le groupe chante « you too » (U2?) à plusieurs reprise dans le refrain. Une simple coïncidence ? À vous de nous dire. 

    « When You See Yourself » sortira le 5 mars. La pochette ci-dessous.