2022 M03 9
Cela n’aura échappé à personne : sur son nouvel album « Multitude », Stromae parle au moins trois fois de caca. Une métaphore graveleuse de notre époque ? Pas vraiment. Pour le Belge, il s'agit au contraire de parler de la vraie vie, de ne rien masquer des petites habitudes quotidiennes et d'utiliser des mots que tout le monde comprend, sans rechercher la poésie, ni la subtilité. Dans une interview à Télérama, il s’en est même expliqué, arguant que ces mots étaient sans doute moins tabous en Belgique qu’en France :
« J’en discutais avec Orelsan. Lui me disait ne pas être très à l’aise avec ce vocabulaire, que j’assume totalement pour ma part. Il était difficile d’évoquer l’époque de la naissance d’un enfant sans parler de caca. »
Voilà l’explication pour C'est que du bonheur, chanson dédiée à son nouveau-né. Quant à Mauvaise journée et Bonne journée, coécrits avec Orelsan, ces deux morceaux ont été pensés pour se faire écho. D’un côté, Stromae y parle de la déprime journalière, cette impression qu’un mauvais « caca » matinal peut gâcher le reste de la journée. De l’autre, il évoque cette sensation d’apaisement parfois liée à nos besoins primaires : « Je voulais juste évoquer le fait que la bonne humeur, finalement, ça tient à pas grand-chose, argumentait-il sur le plateau de Quotidien, entre deux sourires. Un caca parfait, deux feuilles de papier toilette, pas besoin d’essuyer, c’est nickel. »
Il est bien évidemment compréhensible de rester sceptique face à l'utilisation d'un tel vocabulaire qui, bien que résultant d'une véritable réflexion, en dit long sur l'écriture parfois trop simpliste de « Multitude ». On peut aussi se dire, et ce serait tout aussi juste, que Stromae est un homme comme tout le monde, dépendant de ses besoins. Sauf que le Belge est bel et bien d'une espèce à part : de celles, très rares, qui réussissent à obtenir un disque d’or en seulement trois jours.