"Ma Benz" de NTM : 25 ans d'un tube qui zoom zoom zang

Trois ans après « La fièvre », KoolShen et JoeyStarr débarquaient en 1998 avec l’envie de toucher les radios. Sans se compromettre, mais avec l’ambition de s’ouvrir à la culture des sound systems jamaïcains. En résultera « Ma Benz », dont les métaphores sexuelles n’ont qu’un objectif : faire monter la température sur la piste de danse.
  • Dire que Ma Benz est un classique du rap français est un euphémisme. Dire qu'il dénote au sein de la discographie de NTM l'est tout autant. À lui seul, le morceau permet en effet de balancer d'un revers de main les apôtres du fameux « le rap, c'était mieux avant », parce que supposément plus engagé, plus poétique et, surtout, moins commercial. Ici, nulle injonction à brûler les vieux ou à « traquer les keufs dans les couloirs du métro » ; il s'agit simplement de séduire les radios, d’encourager l’orgasme, de clamer son amour pour les formes féminines sur un beat dancehall, né d'un sample de Make The Music With Your Mouth, Biz de Biz Markie. Niveau underground, en théorie, on a connu plus extrême. 

    Si Ma Benz est un cas à part au sein du répertoire de la formation du 93, c'est en partie parce que ce morceau ne lui était pas destiné. À la base, c'est Sniper qui est invité à poser dessus. Le groupe est alors dans le giron de B.O.S.S., le label de JoeyStarr, et l'instru concoctée par DJ Spank (co-fondateur de la structure) leur est logiquement proposée. Peu à l'aise avec le beat, Tunisiano, Aketo Blacko préfèrent toutefois botter en touche.

    Pas grave : trois ans plus tôt, JoeyStarr a fait la rencontre de Lord Kossity, avec qui il partage d'évidentes affinités - la Martinique, la voix grave et le goût de la boisson. Travailler ensemble devient une évidence. Se réapproprier l'instru également, ne serait-ce que pour pouvoir figurer sur une compilation de ragga. L'idée initiale. 

    Ce que les deux comparses n'avaient pas prévu, c'est l’insatiable curiosité de KoolShen, toujours en studio et constamment à la recherche de nouveaux sons pour le nouvel album de NTM (« Suprême NTM »). Ainsi, lorsqu'il entend le morceau de JoeyStarr et Lord Ko', la partie sombre du Nique Ta Mère n'a qu'une envie : poser dessus. Il sent le tube, est persuadé de tenir là un titre différent, suffisamment dansant et syncopé pour amener un peu d'air à un disque qui, jusque-là, parle de la montée en flèche du FN, de la culture de la violence dans les cités, ou de leurs déboires judiciaires. 

    Ma Benz, à l’inverse, est un pur banger, pensé pour faire trembler les clubs, de Paris jusqu’aux Antilles. C'est une ode au plaisir coquin, sublimé par quelques phrases aux élans gainsbourriens (« Tu es ma mire, je suis la flèche que ton entrejambe attire ») et portée tout du long par de lourdes basses, qui tabassent et séduisent un large public - deux mois après sa sortie, le 15 décembre 1998, le single s'est déjà vendu à plus de 250 000 exemplaires.

    Repris par Brigitte et Philippe Katerine, Ma Benz est aujourd'hui inscrit au panthéon de la culture populaire française. Tout le monde le connaît, tout le monde danse dessus, y compris celles et ceux qui ont tenté d'en interdire la diffusion sur les chaînes grand public, jugeant le clip trop hot, trop tendancieux.

    Réalisée par l'éternel complice Seb Janiak (J’appuie sur la gâchette, La fièvre), symbolisée par quelques moments iconiques (le débardeur jaune de Lord Ko', le bob de JoeyStarr, etc.), la vidéo est pourtant le témoignage - l'un des derniers - d'une belle complicité entre les deux acolytes, qui s'autorisent ici un moment de légèreté que le reste de leur discographie n'offre que rarement. Et dire que Ma Benz était simplement pensé à l'origine pour tester les basses de la nouvelle voiture de JoeyStarr...

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