2020 M12 3
« Désolé man, j'ai oublié de sortir la poubelle ». Le nom du premier album des Replacements, sorti 1981, pourrait parfaitement résumer la philosophie de Janet Billig Rich. Pas seulement parce que l'Américaine, née à New York, s'est découverte une passion pour la musique en suivant la formation de Paul Westerberg en tournée (soit plus de 100 dates, tout de même...), mais parce qu'elle aussi, dans un sens, n'a jamais eu peur de la crasse, des t-shirts à peine lavés et des guitares qui suintent la sueur des rockeurs. Sinon, comment expliquer qu'elle se soit entichée des refrains crado et un rien bordéliques de Hole, Nirvana, The Breeders, The Lemonheads, Dinosaur Jr. et Guided By Voices ? Autant de groupes que les moins de 20 ans se doivent de connaître et dont elle fut, si ce n'est la manageuse, du moins l'une des personnes ayant contribué à leur développement commercial.
Il faut dire que Janet Billig Rich connaît le monde du rock par cœur. Plus jeune, dans les années 1980, c'est elle qui s'occupait du merchandising pendant les concerts de Sonic Youth et R.E.M, à la grande joie de sa sœur, qui l'a initié à ce monde de riffs qui grincent. À l'instinct, l'Américaine fait son trou : en 1988, elle entre en contact avec Caroline Records, devient attachée presse et se retrouve rapidement à bosser pour les poulains du label (Smashing Pumpkins, Hole et Jon Spencer Blues Explosion).
« Puis, j'ai eu l'opportunité de signer certains groupes, et j'ai trouvé ça super cool, explique-t-elle dans un podcast de Berklee Online. C'est comme ça que je suis devenue manageuse, parce que je devais signer Hole. On leur cherchait un manager et on m'a demandé de m'en occuper. » Pour la petite anecdote, la formation de Courtney Love signe sur Caroline après que Henry Rollins (Black Fag) ait fait faux bon au label pour rejoindre une major, et que la future girlfriend de Kurt Cobain ait chanté ses chansons à Janet Billig Rich… au téléphone.
À entendre Janet Billig Rich, l'idée n'a jamais été de casser des frontières, d'envoyer valser les stéréotypes; simplement de défendre la musique qu'elle aimait. Avec des moyens réduits : ainsi du premier album des Smashing Pumpkins produit et marketé avec un budget d’à peine 12 000 dollars. Elle n'en a peut-être pas conscience, mais son enthousiasme et sa faculté à être toujours au bon endroit, au bon moment, contribue alors à définir le son des 1990 : celui, nerveux et intense, qui agite le monde entier à grands coups d'hymnes incendiaires, taillés pour les pogos. « La raison qui m'a poussé à travailler avec Nirvana et tous les groupes de Sub Pop, c'est tout simplement parce que Sub Pop avait un deal de distribution avec Caroline », dit-elle, sans en faire des caisses. « C’était encore un jeune groupe, ils n’avaient pas encore tourné en Europe à cette époque. »
De cette période, forcément unique, Janet Billig Rich dit se souvenir du rythme, très intense, et aussi d'une spontanéité qui l'étonne encore : « Personne ne m'a appris à être manageuse, tout s'est fait sur le terrain, à la confiance. » L'Américaine semble de toute façon trop instable pour procéder autrement. C'est sans doute cette fureur de vivre qui a fini par l'inciter à se réinventer au cours des années 2000, en quête de nouvelles expériences, toujours à l'ombre des projecteurs - même si le Billboard a fini par la nommer parmi les 40 femmes les plus influentes de l'industrie musicale en 2011.
Aujourd'hui, Janet Billig Rich prépare un spectacle autour de la carrière de Michael Jackson et se consacre depuis une quinzaine d'années à sa nouvelle passion : la supervision musicale de films, séries ou documentaires. À l'image de I'll Sleep When I'm Dead, produit par Netflix. Certains y verront un certain sens du grand écart, d'autres une passion éternelle pour les artistes qui, malgré la notoriété, semblent condamner à la marge.