Léonie Pernet revient avec du féminisme, de la révolte et un son qui claque

Trois ans après son premier album « Crave », Léonie Pernet fait un retour plus que convaincant avec "Hard Billy", un single puissant qui anticipe le second album « Le Cirque De Consolation », à paraître le 19 novembre. Sans doute le moment de la confirmation pour la Française, toujours très forte pour créer une pop électronique tourmentée, exigeante, mais surtout remarquablement bien produite et reflétant son esprit engagé.
  • Si le nom de Léonie Pernet vous a échappé, il est temps de se rattraper. Son nouveau titre, Hard Billy, en amont d’un album à paraître le 19 novembre, est du genre qu’on écoute en boucle dès le réveil, pour être prêt à affronter toutes les difficultés. Intense, sombre, mais aussi révolté, ce morceau électronique lancinant possède en lui toute la rage nécessaire. Et la voix de la chanteuse semble plus assurée, et assumée, que jamais. Son clip, avec des danseurs venus du Burkina Faso, du Mali, du Togo et de la Côte d'Ivoire, achève de lui donner une dimension mystique.

    Tout ceci n’a rien d’étonnant pour qui suit la carrière de cette multi-instrumentiste. Bien qu’issue d’une famille non musicienne, elle se passionne vite pour des artistes variés, du contemporain Philip Glass à Radiohead, de Klaus Nomi à Aphex Twin. Elle se forme aux pianos et aux percussions classiques, avant de tomber sous le charme des soirées techno de la capitale. À l’opposé de la clinquante French touch, elle préfère écouter les artistes fréquentant le légendaire club du Pulp, bien qu’elle soit trop jeune pour le fréquenter avant sa fermeture. En 2010, à 21 ans, elle organise ses propres soirées, Corps vs. Machine, avec l’aide de Guido Minisky, futur Acid Arab. Pour elle, impossible de séparer art et politique : ces soirées sont avant tout pensées comme des safe spaces « queer ». En 2013, elle publie le « Mix pour tous », à l’occasion de la loi sur le mariage homosexuel, dans lequel elle inclut le discours de Christian Taubira (même si l’artiste se déclare ensuite très déçue de la loi telle qu’elle a été votée, excluant finalement la PMA).

    Loin de se cantonner à la techno, elle publie un premier EP remarqué en 2014, sur le label Kill The DJ (label de Chloé ou Ivan Smagghe, grandes figures du Pulp, justement). Elle livre alors des titres bien plus pop, montrant déjà un certain goût pour la sophistication, lui permettant de faire la première partie de Gesaffelstein à la Cigale. Perfectionniste, il lui faut ensuite quatre ans pour finaliser son premier album. Elle avoue que certains titres, comme le formidable African Melancholia, lui demandent plus de 22 versions différentes. Entre temps, elle continue de se diversifier en jouant de la batterie pour le musicien disco Yuksek.

    Finalement, « Crave » sort en 2018 sur le label InFiné (label de Rone ou Arandel). Et prouve qu’elle joue bien dans la cour des grands. Hypnotique, entre pop et downtempo angoissée, l’album marque par sa qualité de production toute en clairs-obscurs. Sa musique est sombre, mais avec toujours une lumière : « l'acte de faire de la musique en lui-même est un acte de vie, tout le contraire d'un geste dépressif ». L’artiste se montre aussi très douée pour les métissages, capable d’emprunter aussi facilement aux musiques africaines, du Maghreb au Nigeria, qu’à la musique classique, pour un résultat unique.

    Mais son exigence ne s’applique pas qu’à son art. Elle continue de démontrer son engagement, notamment à travers ses clips. African Melancholia montre le parcours parisien du réfugié soudanais Mohammed Mostafa, tandis que Auaati, chanté en arabe, met en scène afaq (sans majuscule), partie du Darfour vers New York, et conjuguant son homosexualité avec sa religion musulmane. « Ça tord un peu le cou à un idéal alternatif qui voudrait qu’il n’y ait jamais de spiritualité dans le queer » explique Léonie Pernet.

    Pour elle, la défense de cette culture queer est tout sauf une posture. « Je suis un peu agacée de voir que le queer est devenu pour certains un élément marketing. Y a des modes et ça en fait partie. Être gay friendly, c’est être dans le camp du bien, ça fait partie du bon petit kit du progressiste… » Aborder ce sujet vise avant tout un projet de lutte commune, une volonté de rassembler, en articulant ce combat avec d’autres, comme l’antiracisme (elle a également réalisé un mix dédié à Adama Traoré) ou le féminisme. Toujours avec cette cohérence entre son art et ses idées, elle participera à la bande originale de la série Arte H24, diffusée à partir du 18 octobre, et traitant des violences faites aux femmes. Avec Léonie Pernet, on ne sépare pas la femme de l’artiste.