Le jour où une asso a imposé le “Parental Advisory” sur une pochette de disque

C’est désormais devenu une habitude : sur chaque album contenant des paroles potentiellement violentes ou offensantes, ce logo est placardé sur la couverture d’album avec marqué en gros “Parental Advisory : Explicit Content”. Comment en est-on arrivé là ? Pour comprendre, il faut remonter à 1985 quand un petit groupe de conservateurs très remontés décide d'aller jusqu’au Sénat américain pour imposer ce signe.
  • Tout commence lorsque Tipper Gore achète le vinyle de “Purple Rain” pour sa fille. L’Américaine est immédiatement choquée par les paroles du morceau de Darling Nikki dans lequel Prince évoque très explicitement la masturbation de la fameuse Nikki : “I guess you could say she was a sex friend, I met her in a hotel lobby masturbating with a magazine / On peut dire que c'était une obsédée sexuelle, je l'ai rencontrée à l’accueil d'un hôtel, elle se masturbait devant un magazine.” Dès lors, Tipper Gore utilise l’influence de son mari Al - qui deviendra plus tard vice-président des Etats-Unis - pour empêcher des textes aussi crus d’arriver aux oreilles des enfants. 

    Très vite, d’autres femmes vont se rallier à sa cause. Toutes se connaissent de près ou de loin de par l’engagement politique de leurs maris respectifs. Elles se sont toutes unies après avoir vu leurs gosses écouter des morceaux qu’ils n’auraient pas dû. C’est ainsi que le 13 mai 1985, ces femmes créent le Parents Music Resource Center. Le but premier de cette association est d’attirer l’attention d’autres parents sur le danger des paroles de certaines chansons populaires, surtout dans le rock’n’roll. Une fois que ce mouvement prend de l’ampleur, les ambitions du PMRC se décuplent. Il demande à la Recording Industry Association of America de se plier à ses exigences : indiquer sur sa pochette quel titre ou quel disque est explicite ou obscène, à l’image des films de l’époque. Le refus de la RIAA est catégorique. S'ensuit une audition au Sénat Américain le 19 septembre 1985 qui marquera l’histoire.

    Si le Parents Music Resource Center a pu passer les portes du Sénat, c’est grâce au fait que dix femmes membres de l’association étaient mariées à des sénateurs. Durant ce rendez-vous ultra médiatisé, le PMRC dresse une liste de 15 morceaux explicites en exemple, allant de Mötley Crüe à Cyndi Lauper. Il demande à ce que ces chansons soient catégorisées en quatre genres : “X” pour le sexe, “V” pour la violence, “D/A” pour la drogue et l'alcool et “O” pour le contenu occulte. L’audience est surtout marquée par la présence de Frank Zappa qui défend fermement la liberté d’expression aux côtés de certains sénateurs qui s’opposent aux revendications de l’association conservatrice.

    Deux mois après l’audience au Sénat, le 1er novembre 1985, la RIAA arrive à trouver un compromis avec le PMRC. Le logo “Explicit Lyrics - Parental Advisory” sera bien présent sur la pochette des disques considérés comme ayant des paroles explicites ou alors il faudra imprimer ces lyrics au verso de l’album. Dès 1986, il sera appliqué sur certains disques plus ou moins aléatoirement en vert et violet, dont l’album “Jazz From Hell” de Frank Zappa (pourtant entièrement instrumental). Les joyeux lurons de Mötley Crüe ont dû aussi mettre ce fameux sticker sur la cover de leur album après que le titre Bastard se soit retrouvé dans la liste des 15 chansons du PMRC. Interrogé en 2001 sur cette histoire, Vince Neil s’est félicité de ce coup de pub : “Une fois qu’il y avait cet autocollant, l'album a décollé. Les enfants le voulaient encore plus !

    Mais la véritable première apparition de ce logo tel qu’on le connaît aujourd’hui arrive en 1990 sur la pochette de “Banned In The U.S.A.” du 2 Live Crew. Avec un titre pareil, c’est comme si le groupe de Miami avait anticipé la présence de ce symbole sur sa couverture.

    Aujourd’hui, le logo “Parental Advisory : Explicit Content” n’est plus obligatoire, même si un album contient des paroles grossières, sexuelles ou parlant de drogues. De son côté, le Parents Music Resource Center a disparu des radars… Peut-être que ces membres n’ont pas supporté de se faire insulter par Ice-T dans le titre Freedom of Speech après avoir essayé de le censurer. Personne ne censure Ice-T.