Le jour où David Gilmour a aidé Kate Bush à percer
Désormais consacrée par les médias, le public et toute une génération d'artistes, celle que le critique britannique Simon Reynolds qualifie de "reine de l'art-pop" sera intronisée cette année au Rock & Roll Hall of Fame. L'aboutissement d'une carrière commencée dès l'adolescence, et lancée pour de bon par l'un des guitaristes les plus célèbres du monde…
2023 M05 25
La précocité artistique de Kate Bush a toujours forcé le respect. Il faut rappeler qu'elle a commencé à apprendre le piano en autodidacte à l'âge de 11 ans (!) et qu'il ne lui a pas fallu longtemps pour composer et écrire des morceaux comme s'il en pleuvait.
Deux ans plus tard, elle a donc déjà sous le coude une bande démo de 50 titres, et elle peut compter sur un coup de pouce d'un de ses grands frères, copain avec un employé du label Transatlantic Records, Ricky Hopper. Après avoir essuyé refus sur refus de la part des labels, Hopper a la bonne idée de faire parvenir la cassette à un certain David Gilmour, qui fait partie de ses copains.
Banco : le guitariste de Pink Floyd a plus de clairvoyance que les labels, et il interrompt carrément son travail sur "Wish You Were Here" (1976) pour rencontrer la jeune prodige au domicile familial. David Gilmour est étourdi par la productivité de Kate Bush, qui est en mesure de lui faire écouter des dizaines et des dizaines de titres.
Mais Gilmour connaît les maisons de disques : il sait qu'elles ne comprennent rien à la musique de Kate Bush et saisit pourquoi elles ne se mouillent pas pour la signer. La jeune artiste a besoin d'enregistrer des morceaux avec les grands moyens, et Gilmour est prêt à l'y aider.
Il paye alors de sa poche une session dans le mythique AIR Studio de Londres, où Kate Bush enregistre avec une équipe de luxe : l'ingénieur du son Geoff Emerick (le collaborateur des Beatles) et le producteur et arrangeur Andrew Powell. De façon un peu arbitraire – de son propre aveu dans une interview à la BBC en 2015 –, David Gilmour choisit trois morceaux sur les cinquante de la bande démo, et l'affaire est entendue.
Nous sommes alors en juin 1975, et Kate Bush (16 ans) ne le sait pas encore, mais elle vient d'enregistrer les deux premiers morceaux de son futur premier album : The Man with the Child in His Eyes et The Saxophone Song.
Avant cela, encore fallait-il trouver un label prêt à parier sur elle. Pas de problème pour David Gilmour : lorsque le patron d'EMI débarque à Abbey Road pendant l'enregistrement de "Wish You Were Here", le guitariste du Floyd saute sur l'occasion pour lui faire écouter les titres de Kate Bush, et vous pouvez aisément imaginer la suite.
Il ne faut pas longtemps pour que le label de Pink Floyd propose un contrat à la jeune artiste, avec à la clé une avance de 3000 livres. Toujours sous la houlette du producteur Andrew Powell, Kate Bush enregistrera son premier album à AIR Studio à l'été 1977.
"The Kick Inside" (1978) sera évidemment un carton, porté par un premier single génialissime, Wuthering Heights. La carrière de Kate Bush est officiellement lancée, mais sa collaboration avec David Gilmour ne s'arrêtera pas là, puisque celui-ci sera crédité sur divers morceaux des albums "The Dreaming" (1982) et "The Sensual World" (1989).
En 2002, Kate Bush a également rejoint David Gilmour pour chanter Comfortably Numb lors d'un concert à Londres. Quinze ans plus tôt, c'est aussi lui qui tenait la guitare sur la version live de Running Up That Hill jouée par Kate Bush lors d'un concert caritatif organisé au profit d'Amnesty International.
Et si jamais ils veulent remettre ça pour célébrer leur cinquante années d'amitié, on ne dit évidemment pas non.