2021 M10 24
Ce morceau aux milliards de vues sur YouTube a été composé en moins d’une demie-heure. C’est ce qu’affirme Sevn Thomas à Complex lorsque le beatmaker est interrogé sur la séance studio qui a donné naissance à Work. Lui et son comparse Boi-1da (l’autre producteur du titre) ont tous deux des origines jamaïcaines. Quand ils se retrouvent dans la maison de Drake avec Rihanna pour enregistrer, ils décident de composer une rythmique dancehall - un style né dans les Caraïbes : “Nous savions que le son de l'industrie était en train de changer et que nous voulions vraiment être fidèles à notre culture jamaïcaine. C’est pourquoi on s’est mis à faire de nouvelles chansons dancehall futuristes.”
Dès que le beat est terminé, les beatmakers le transmettent à PARTYNEXTDOOR, le parolier en chef de Rihanna, un Canadien avec des origines jamaïcaines. Et pour Work, il écrit le refrain du futur tube en utilisant un dialecte étrange et inconnu du grand public : du patois jamaïcain.
À sa sortie, certains médias qualifient le morceau de “décevant” comme Le Figaro. Toutefois, il s’imposera avec le temps comme l'un des plus gros hits de Rihanna. Mais derrière tout ça, il y a un profond problème de compréhension - et de racisme - autour de Work. Dans ce même article du Figaro, les paroles du refrain sont traduites tel quel : “Work, work, work / You see me I be / Work, work, work, work”. Mais ce ne sont pas les mots que Rihanna prononce. Elle dit en réalité : “He said me haffi” (et non ''You see me I be'' ») qui signifie “Il m’a dit que je devais”.
Si ces paroles sont difficiles à saisir, c’est parce qu’il ne s’agit pas d’Anglais, mais de patois jamaïcain. Il est bon de rappeler que l’artiste aux 60 millions d’albums vendus est originaire de l'île de La Barbade. Durant son enfance, elle ne parle pas seulement l’anglais, mais aussi un patois local, employé dans l’ensemble des Caraïbes. C’est cette langue singulière (et peu connue à travers le monde) que Rihanna utilise sur le refrain de Work. Par exemple "Ah guh" se traduit par "est-ce que tu vas" et "Meh nuh cyar if him" signifie "je m'en fous s'il".
Pretty sure those are the actual lyrics... #Rihanna #Work pic.twitter.com/c3q36Mz4LZ
— Steve Adams (@SteveAdamsWpg) February 25, 2016
Think when Rihanna comes up with actual lyrics for Work it'll be great.
— Danny Wright (@dethink2survive) January 27, 2016
Sur les réseaux sociaux (et surtout le diabolique Twitter), c’est la course à la blague de mauvais goût. Les fans de Rihanna attendent alors un nouvel album de sa part depuis quatre ans et ils tombent sur une chanson que certains considèrent comme inintelligible. La faute aussi à certains médias qui essayent de décrypter des mots issus d’une langue parlée par seulement 3 millions de personnes dans le monde. Le seul but de Rihanna ici était de rendre hommage à son pays natal et à son enfance. C’est également ce qu’elle fera quelques semaines après la sortie du titre en révélant la pochette de son album “Anti”, avec l'image d'un enfant dessus.
Work n’est pas le premier morceau de Rihanna dans lequel elle utilise du patois. En 2005 déjà, elle sortait le titre Pon De Replay qui commence par “Come, Mr. DJ, song pon de replay”, soit “DJ, mets ma chanson en boucle”. Elle doit alors se justifier dans une interview pour expliquer ses paroles que personne ne comprend. Onze ans plus tard, la Barbadienne signe l'un des plus gros succès de 2016 avec Work, élu morceau de l’année par NME. Une belle revanche sur un bad buzz qui n’aurait jamais dû exister.