2022 M07 24
Dans le petit monde de la musique, certaines légendes brûlent encore d’un feu sacré, à l’image de Nile Rodgers. Pour que ce brasier s’enflamme, il a d’abord fallu une étincelle. Celle-ci s’est déclenchée lorsqu’à l’orée de la décennie 1970, le guitariste de New York a rencontré le bassiste Bernard Edwards. Instinctivement, ensemble, la paire avait en tête de réaliser de grandes choses. Et ce sera Chic. Cette renommée en tant que musicien et producteur a donné des idées à d’autres formations, notamment les Rolling Stones, qui ont été chercher le leader de la Chic Organization pour chapeauter un album. Demande rejetée.
La première mouture de Chic s’appelait The Big Apple Band. À cette époque pré-1977, c’est-à-dire avant la sortie de leur disque de présentation « Chic », Rodgers et Edwards essaient d’enchaîner les concerts pour se faire connaître. Malgré un agenda quasi inexistant, les deux compères arrivent à se montrer. Avec leurs quelques dates, ils plantent les graines de ce que va devenir Chic, cette belle plante funk rock dont chaque pétale est un tube. Une entreprise fastidieuse, ralentie par des maisons de disques rétrogrades qui n’avaient guère de certitudes quant au succès commercial d’un groupe composé de personnes noires.
The Big Apple Band in 1976 feat. Nile Rodgers, RIP Bernard Edwards, RIP Tony Thompson (before they created CHIC) and Bobby Cotter 🎶🕺https://t.co/Yl0Dbvbm1x
— FrenCHIC (@frenchic_paris) November 20, 2021
À trop regarder derrière, on oublierait presque que l’avenir est devant. C’est ce que se sont dits les labels — le mastodonte Atlantic Records en tête — lorsque les premiers succès du groupe sont arrivés. En devenant une sensation internationale grâce à des fulgurances comme Le Freak et Everybody Dance, leur couleur de peau n’était plus le critère numéro 1 et le duo Rodgers/Edwards tenait le monde dans sa main. À un tel point que, selon leur bon vouloir, les deux amis pouvaient produire n’importe quel artiste.
Alors, quand les Rolling Stones sont venus les chercher, d’après une demande personnelle d’un Mick Jagger très insistant, Rodgers a d’abord hésité. Avant de tout bonnement refuser pour se concentrer sur un autre disque, « We Are Family » (1979) de Sister Sledge. Dans une interview accordée à UNCUT en 2015, le principal concerné avouait :
« Cela aurait été intéressant parce que les Stones étaient les premières superstars qu’on nous a proposées, et à la place, nous avons fait Sister Sledge. Bernard [Edwards] et moi savions que cela aurait été une mauvaise décision de travailler avec les Stones. Comment dites-vous aux Rolling Stones : “Bien, nous allons écrire toutes vos chansons et ensuite vous entrez et vous jouez comme ça ?” »
Il est vrai qu’une collaboration de la sorte aurait ravi tous les fanatiques. Mais il faut prendre un peu de hauteur et imaginer le pire. Si cet hypothétique disque avait floppé, toutes les critiques se seraient dirigées vers la paire Rodgers/Edwards. Ce qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques sur leur carrière. Vous voyez où on veut en venir.
Le fin mot de cette histoire, c’est que Nile Rodgers n’aura jamais travaillé avec les Rolling Stones. Mais à l’inverse, il s’est associé à Mick Jagger le temps de l’album solo du chanteur britannique, « She's the Boss » (1985). On le retrouve à la production de trois titres, 1/2 a Loaf, Turn the Girl Loose, Secrets. Un aperçu rapide de ce qu’aurait pu être cette réunion au sommet.