Le jour où Metallica a perdu son bassiste dans un accident de bus
Alors que Metallica cartonne actuellement avec le dépoussiérage du titre "Master of Puppets", placé dans la saison 4 de Stranger Things, intéressons-nous à l'époque où l'album du même nom fut composé. Nous sommes alors en 1986, et ce sera le dernier pour Cliff Burton, éjecté par la fenêtre du tour bus.
2022 M07 17
La vie des groupes de rock n’est pas un long fleuve tranquille. Entre démesure et tragédie, il n’est pas rare de voir des accidents jalonner leur carrière. Tout de suite, on pense à John Bonham, batteur de Led Zeppelin, qui à 32 ans s’étouffait dans son vomi façon Hendrix, après avoir ingéré 40 shots de vodka en seulement 4 heures. Dans un autre registre, il y a eu le destin du bassiste de Metallica, Cliff Burton. À la fleur de l’âge, à 24 printemps, alors que son groupe est en pleine bourre, il trouve la mort dans un accident de bus. Détail funèbre : la dernière chanson qu’il avait écrite s’appelait To Live Is To Die.
Pour devenir le génie de la basse qu’il était, Clifford Burton a travaillé dur. À la suite du décès de son frère causé par une rupture d’anévrisme, alors qu’il n’a que 13 ans, il s’enferme dans le maniement des quatre cordes et s’entraîne comme un fou. Son objectif est de dépasser ses idoles, Geezer Butler (Black Sabbath), Steve Harris (Iron Maiden) ou encore Phil Lynott (Thin Lizzy). Il s’en approche au fur et à mesure que les années 80 arrivent et qu’il multiplie les formations. Dès 1981, il rejoint la baie de San Francisco et intègre la bande glam metal de Trauma. L’année suivante, tout ce beau monde se fait remarquer grâce à leur participation à la compilation « Metal Massacre II », dans laquelle ils placent leur chanson Such a Shame.
Un soir, lors de leur concert au Whisky a Go Go de Los Angeles, deux des membres de Metallica, James Hetfield et Lars Ulrich, tombent sur la prestation de Cliff. Séduits, ils lui demandent fissa d’intégrer le groupe. Le bassiste accepte à condition que les futurs Four Horsemen s’installent dans la baie de San Francisco. Ni une ni deux, Burton remplace Ron McGovney. Ensemble, ils donnent leur premier concert en 1983. Très vite, celui que ses collègues surnomment affectueusement « Le Hippie » trouve ses marques, et ce groupe acquit au thrash metal, son rythme de croisière.
Après un premier disque « Kill ‘Em All » (1983) dans lequel sa façon de jouer de la basse explose aux yeux du monde — elle est d’ailleurs disséquée dans cette biographie —, Burton gagne en importance et, comme ses collègues, s’investit dans l’écriture des chansons. Pour le deuxième opus, « Ride the Lightning » (1984), le bassiste est crédité sur six morceaux, dont For Whom the Bell Tolls, Fade to Black ou encore The Call of Ktulu. Dans une vieille interview, Lars Ulrich décryptait le style de son collègue :
« Mes meilleurs souvenirs de Cliff renvoient à son total mépris des conventions et le fait de se foutre de jouer différemment de ce que tu pouvais attendre. Il était toujours prêt à défier la normalité ou les statu quo, à se foutre musicalement des choses, dans son attitude, sa façon de s’habiller, de se tenir, son sens de l’humour, sa relation avec la musique qui l’inspirait et qu’il jouait […]. C’était vraiment sa patte, son attitude et son style d’aborder la vie qui nous ont inspirées James et moi pour élargir nos horizons, pour étendre celui de Metallica ».
Un talent que le bassiste va une nouvelle fois mettre en avant sur ce qui est jusqu’à aujourd’hui considéré comme son masterpiece, la chanson Orion. À propos de ce titre long de presque 9 minutes, composant de la tracklist de leur troisième album « Master of Puppets » (1985) — fraîchement réhabilité dans la série Stranger Things —, le guitariste de Metallica Kirk Hammett avouait dans une interview accordée à Rolling Stone :
« Pour moi, Orion était le chant du cygne de Cliff. C’était une magnifique performance musicale dont il avait écrit toute la partie centrale. Cela nous a en quelque sorte donné une idée de la direction dans laquelle il se dirigeait. S’il était resté avec nous, je pense qu’il serait allé plus loin dans cette démarche. Notre son serait différent s’il était encore là. »
Mais le destin en a décidé autrement. Alors que la formation entame une tournée mondiale pour célébrer le succès international de ce troisième disque, la mort s’invite au voyage. Après une représentation de haute volée sur la scène de la Solnahallen Arena de Stockholm, le groupe reprend la route au sein de leur tour bus. Dans la nuit du 25 au 26 septembre 1986, Metallica s’enfonce sur des petites artères de Suède. Pour tuer le temps, Cliff Burton et Kirk Hammett se lancent dans une partie de cartes. Le bassiste remporte la mise et, en échange, pique la couchette du guitariste. Au petit matin, à proximité de la ville de Ljungby, le véhicule quitte la route. Cliff est projeté par la fenêtre. Son corps est écrasé par le bus. Malgré les efforts de ses compères, presque tous indemnes, pour le sortir de là, il décède sur le coup. Il avait 24 ans.
Un événement tragique que ses collègues de jeu garderont en tête toute leur vie. Ils lui dédiront une chanson, To Live is to Die parue sur l’album « …And Justice for All » (1988). Plus que ses partenaires, sa mémoire sera célébrée par les acteurs du milieu. Dans son classement des 50 plus grands manieurs de quatre cordes de tous les temps, Rolling Stone le positionne à la 25e place.
Outre Metallica, le décès de Cliff a marqué le monde du metal. Dans une récente interview accordée à Metal Hammer, Scott Ian, guitariste d’Anthrax déclarait :
« Même après toutes ces années, il y a des parties de moi qui sont toujours dans le déni à ce sujet, comme si [je ne comprenais pas] comment cela avait pu arriver. Tout le monde s’en est sorti à peu près indemne, mais nous avons perdu Cliff. C’est toujours aussi incroyable. Je pense à lui chaque semaine — j’ai une photo géante [de lui] dans ma maison. »
À titre posthume, le 4 avril 2009, Burton sera intronisé au Rock'n'Roll Hall of Fame au côté des membres de son groupe fétiche.