Le jour où Kraftwerk a failli produire "Bad" de Michael Jackson

C'était en 1986 et ça aurait pu être la fusion pop ultime. Mais il faut croire que les Allemands n'aiment décidément pas flirter avec leurs pairs.
  • Au cours des années 1970 et 1980, Kraftwerk était dans tous les bons coups, porte-étendard d’une musique synthétique qui trouvait chez les Allemands son centre de gravité. Incapable de stagner, de spéculer sur un son ou un savoir-faire, la formation inventait en direct une musique futuriste, dépourvue de guitares, qui rencontre un écho évident chez ses pairs et ses héritiers, de Joy Division à Depeche Mode, de David Bowie à Daft Punk, de la techno au hip-hop.

    Peu après la sortie de « Electric Café » (1986), Kraftwerk est ainsi approché par l’équipe de Michael Jackson pour produire « Bad » (1987). Bien évidemment, les Allemands déclinent. De même qu’ils avaient déjà botté en touche l’idée de collaborer avec Bowie sur l’un de ses disques. Aussi influents soient-ils, Karl Bartos et sa bande sont surtout farouchement attachés à leur indépendance.

    Sur le papier, la rencontre Kraftwerk/Michael Jackson a tout pour paraître étonnante. Au mieux, elle fait fantasmer ; au pire, elle inquiète les puristes. Voir tous ces prodiges du son dans un même studio aurait pourtant été l’occasion pour les pionniers du krautrock d’affirmer au près d’un large public tout ce qu’ils doivent à la great black music des décennies 1960 et 1970 : « Nous étions tous fans de la musique américaine : la soul, le truc Tamla/Motown, et, bien sûr, James Brown, confie Karl Bartos dans le livre Techno Rebels : The Renegades Of Electronic Funk. Nous avons toujours tenté de créer un rythme américain, avec une approche européenne de l’harmonie et de la mélodie. »

    Deux morceaux (au moins) attestent de cette influence. Le premier date de 1970, à une époque où Kraftwerk se fait encore appeler Organisation : Tone Float explore alors un rythme de batterie proche de celui privilégié par les rockeurs des années 1950 (Bo Diddley, Chuck Berry, etc.). Le second est publié en 1974 et développe d’évidentes connexions avec Papa Don’t Take No Mess : à l’image du classique de James Brown, Autobahn étire en effet la mélodie sur près de dix minutes, opte pour les notes répétitives et prouve qu’il est possible d’être avant-gardiste sans sacrifier le groove, cet atout précieux trop souvent négligé par les artistes soucieux d’innover.

    Quant à Michael Jackson, il faut croire que le roi de la pop avait une réelle passion pour Kraftwerk : « Autant que je me souvienne, Michael Jackson voulait travailler avec nous, mais il voulait aussi acheter les bandes originales de The Man-Machine, révélait Karl Bartos au NME. Dans les deux cas, ça n'a pas été possible ». Dommage, on aurait adoré entendre un projet nommé « Auto-Bad ».

    A lire aussi