2023 M01 7
Qu’on aime ou non Orelsan, devenu aujourd’hui l’un des monstres sacrés du rap en France, tout le monde est obligé de reconnaître au moins l’une de ses qualités : sa persévérance. Car, si le rappeur originaire de la petite ville de Caen s’était découragé après un échec, « il ne serait pas devenu ce qu’il aurait dû être » — histoire de reprendre une célèbre formule de son homologue Booba.
Retour en 2006, année où Aurélien Cotentin dans le civil n’a pas encore percé. Convaincu de faire du rap sa vie, il met tout en œuvre pour réussir et toutes les occasions sont bonnes à prendre, comme ce concours organisé par le Duc de Boulogne. Bien qu’il soit sûr de triompher lors de ces battles — ces joutes verbales 2.0 — le jury et les 4000 personnes présentes ne sont pas du même avis.
Remettons les choses dans leur contexte. Au beau milieu des ces années 00, le hip-hop hexagonal est chasse gardée d’une poignée d’artistes : La Fouine, Diam’s, 113, Tandem, sans oublier bien sûr, Booba. Figurez-vous que tout ce beau monde a fait partie du jury et que c’est bien eux qui ont renvoyé le jeune Aurélien chez lui, à Caen. Bref, Orelsan entend parler de ce Ünkut Contest et décide d’en être, bien aidé par le travail que son beatmaker Skread a fourni pour ces têtes d’affiche. Pour mettre toutes les chances de son côté, il prépare ses meilleurs punchlines de façon à bien humilier son premier adversaire, et potentiellement les suivants.
Quelques minutes avant de rentrer dans l’arène-gymnase, Orelsan est stressé, comme toute son équipe. Il ne se décourage pas pour autant. Ça y est, le beat part. Tel un Eminem français, le Caennais crache son premier couplet et… c’est le bide. « Hey, soyez sympa quand même » lâche le présentateur pour calmer les huées qui descendent des tribunes. C’est un échec total et son opposant ne se garde pas d’enfoncer le clou. Lorsque vient son tour, il le ridiculise, littéralement. Le public a trouvé son chouchou, tout comme le jury qui à l'unanimité valide l’adversaire. En même temps, pas facile de tirer son épingle du jeu pour un provincial quand la tendance est au « rap hardcore » issu des grandes villes et de leurs périphéries.
Alors qu’elle aurait pu restée à jamais dans l’oubli, cette péripétie a été ressuscitée lors du reportage Montre jamais ça à personne, coréalisée par le frère d’Orelsan, Clément Cotentin, et publié sur la plateforme Prime Video. Même Booba l’avait totalement zappé, comme il le faisait savoir sur un post Instagram désormais supprimé et relayé par le média Interlude : « C’est beau de voir ça, j’avais complètement oublié ! »
Terminons par une petite devinette. Si on a beaucoup parlé d’Orelsan dans cet article, savez-vous qui est le rappeur qui l’a humilié ? Non ? Il s’agit de Mic Orni, un habitué des réseaux de clash. Et au regard de ses prestations dans les éditions des Rap Contenders — ces battles en vogue à l'époque et dans lesquels les membres du crew 1995 ont brillé — on se dit que le destin n’est finalement pas si mal fait.
Crédit photo en une : YouTube « Booba Orelsan Ridiculisé Au ÜNKUT Contest »