2022 M10 28
Pour quiconque a écouté la réédition de « La fête est finie » en 2018, la version augmentée de « Civilisation » a de quoi surprendre : alors que « Epilogue » s’entendait comme le prolongement logique du troisième album solo d’Orelsan, une manière de creuser certains thèmes ou d’approcher différemment quelques instrus, « Civilisation perdue » se reçoit un disque de seconde main, une succession de faces B pas vraiment abouties, voire même assez bancales. En clair : on est ici plus proche d’une compilation réunissant des chutes de studio que d’une véritable proposition artistique - le fait que chaque chanson soit titrée et numérotée comme un nom de fichier appuie cette sensation de “brouillon”.
Proposer des démos ou des inachevés est un choix intéressant : entendre Toujours perdu quand même et Juste un dernier, prémices évidents de Seul avec du monde autour et Dernier verre, est d’ailleurs assez excitant, tandis Nous contre le monde, interprété à la guitare acoustique, touche au plus intime. Sauf que ce qui ressemblait sans doute à une idée féconde tourne vite à vide, et sonne même parfois clairement inaudible (l’insupportable Ah la France…).
Il y a tout de même quelques moments forts (Ok… Super… et Point de rupture), si ce n'est touchants (On a gagné), mais cette réédition ne parvient pas vraiment à dépasser le statut de curiosité. On sent les doutes traversés par Orelsan pendant la conception de « Civilisation », ses pannes créatives ou son lâcher-prise : reste que ces dix nouveaux morceaux sont si échevelés que l’on finit par s’y perdre.
En fin de compte, « Civilisation perdue » risque de conditionner son succès à la réception d’un seul morceau : Évidemment, en duo avec Angèle. C’est l’évènement de cette réédition, la rencontre ultime de deux artistes cherchant à composer « un hit intergénérationnel qui mette tout le monde d’accord ». À l’évidence, il y a dans ces trois minutes et vingt-six secondes suffisamment d’universalité et de gimmicks marquants pour atteindre l’objectif initial, mais les faits sont là : Orelsan donne le sentiment de passer à côté quelque chose de grand avec cette réédition, loin d'être désagréable, mais finalement anecdotique.