2020 M03 25
« Dans l’univers du streaming musical, les journées sont toujours les mêmes. Il y a un gros pic à l’heure des transports le matin et le soir », entame le journaliste Sophian Fanen, spécialiste du streaming, lors d’une interview accordée à Ouest-France.
Le hic avec le confinement : les gens ne prennent plus les transports, et sans grande surprise écoutent moins de musique. « La musique est plus que jamais pensée comme une accompagnatrice de la vie de tous les jours. Le week-end, d’ailleurs, le streaming est beaucoup moins important. Il y a les enfants, le bricolage, les activités sportives collectives. En fait, avec le confinement, toutes les journées deviennent un dimanche », poursuit l’auteur du livre Boulevard du stream: du mp3 à Deezer, la musique libérée. Voilà donc le constat : si tous les jours durant le confinement sont des « dimanches », les grands perdants sont les plateformes de streaming.
Cette réflexion est partie d’un article publié sur le site américain Quartz qui, chiffres à l’appui, montre une baisse des streams en Italie de 23% sur les 200 chansons les plus écoutées entre le 3 et le 17 mars. Le site Music Business World recense une baise de 11% aux États-Unis sur la même plateforme, sur la semaine du 13 au 19 mars. Selon Quartz, qui a publié son article le 18 mars, l’Espagne serait à moins 12,7% tandis que la France accuserait une baisse de 2,4%. Le compte Twitter « Ventes Rap » constate aussi que les chiffres liés streaming en France sont en baisse : « Le bilan de la première semaine de confinement : les ventes physiques ont chuté de 69% au Top 200 et les équivalents ventes en streaming de 21% », peut-on lire sur le réseau social.
Ces premiers chiffres ne sont, cependant, pas surprenants. Selon une étude publiée en 2018 par l'IFPI (la Fédération internationale de l'industrie phonographique) sur les modes de consommation de la musique, 66% écoutent de la musique en voiture, 54% dans les transports ou sur le chemin du travail et 40% en travaillant. En France, on monte même à 72% en voiture. Depuis le confinement, ces trois activités sont, elles aussi, très nettement en baisse, d’où la chute des chiffres.
Au bout de la chaîne, ce sont les artistes qui vont en ressentir les conséquences. En sachant déjà que ce mode d’écoute profite majoritairement aux « gros » artistes déjà installés et aux labels, qui prennent 70% des revenus générés par le streaming, que va-t-il se passer pour les musiciens moins dans la lumière ?
Pour Suzanne Combo, déléguée générale de la GAM (la Guilde des Artistes de la Musique), « cela ne devrait pas impacter beaucoup le chiffre d’affaires mensuel des plateformes, car elles ne vont pas perdre d’abonnés payants. Mais ça va jouer sur le nombre de streams et ce sera très dur pour les artistes émergents et leurs partenaires, en particulier pour ceux qui sortent leur album au mois de mars et avril. Les nouveautés risquent de passer inaperçues, noyées par l’actualité sanitaire, mais aussi par les plus gros artistes qui captent l’attention du public avec les concerts gratuits qu’ils organisent sur leurs propres réseaux sociaux, le détournant ainsi des plateformes de streaming. » Voyons comment, avec le confinement qui s'installe dans la durée, le streaming se porte dans les prochaines semaines.