La taxe streaming : une épine dans le pied de l'industrie musicale ?

Face à une industrie musicale en pleine souffrance, un rapport du sénateur Julien Bargeton recommande de taxer d’1,75% les plateformes de streaming. L’objectif ? Financer le Centre national de la musique. Hélas, tous les acteurs du secteur ne voient pas les choses de la même façon. Explications.
  • C'est un texte de près de 100 pages, le résultat de 6 mois d'observation d'une industrie qui doit se réinventer, une réflexion sur « la stratégie de financement de la filière musicale en France ». Dans son rapport, remis à la ministre de la Culture jeudi dernier, le sénateur Renaissance Julien Bargeton émet plusieurs pistes, mais a pour principal mission de définir un mode de financement pérenne pour le Centre national de la musique. En cause ? Cet organisme, créé en 2020, a vu son budget initial (50 millions d'euros) exploser suite à la crise du COVID-19.

    Alors que son existence est d'ores et déjà menacée, il y avait urgence. Il fallait trouver un moyen d'expliquer les problèmes liés à ses deux sources principales de revenus : la baisse des revenus liés à la billetterie (3,5%) et la réduction des droits d'auteur (jusqu'à 10 millions de pertes pour le CNM).

    Afin de continuer à remplir ses missions le plus efficacement possible, le Centre national de la musique se doit donc d'être repensé, d'être financé autrement. Pour cela, le rapport de Julien Bargeton encourage la taxation (1,75%) des plateformes de streaming. À lire ses dfférentes observations, menées auprès de 250 professionnels de la musique (seule Anne Cibron était là pour le rap...), cela paraît même logique, surtout quand on sait que l'écoute de musique en ligne représente 68% des revenus de la musique ici, en France.

    Pourtant, le projet créé d'ores et déjà la discorde : d'un côté, il ravi différents acteurs de l'industrie musicale (producteurs de spectacles, la SACEM, producteurs de disques et labels indépendants), tous soucieux de rendre le milieu plus équitable ; de l'autre, il crée des tensions au sein des majors et des plateformes de streaming, qui rappellent qu'elles sont déjà déficitaires avec le mode de fonctionnement actuel. Quant à la Snep, elle dénonce carrément un texte qui « laisse la musique dans l'impasse », et ne ferait rien d'autres qu'« alimenter les fractures au sein de l'industrie musicale. »

    De son côté, le rapport, lui, promet que cette taxe est « suffisamment faible pour ne pas bousculer l’économie des plateformes ou grever les revenus des ayants droit, tout en assurant des revenus suffisants au CNM pour déployer une action significative ». L’objectif ? Récupérer 20 millions de ressources supplémentaires du streaming, payant et gratuit. Non pas dans l’idée de « financer le CNM pour lui-même, mais bien au titre de l'instrument qu'il doit être au service d'une nouvelle stratégie ambitieuse ».

    Alors, banale équité de façade ou réelle restructuration soucieuse de favoriser l'innovation et le développement international des créations françaises ? Simple poignée de sel sur une plaie ou nouvelle mesure forte permettant la souveraineté du secteur musical ? Pour l'heure, il n'y a potentiellement qu'une certitude : en coulisses, cette taxe n’a pas fini d'agiter les débats.

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