2022 M04 30
Qui sont ces kids et que font-ils au jazz ? Voici la question que posait le New York Times dans un long papier élogieux à l’égard des deux jeunes prodiges DOMi & JD Beck. Nous allons essayer d’y répondre aussi. DOMi, c’est le diminutif de Domitille Degalle, une Française ayant fait toutes ses classes de piano au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, avant de traverser l’Atlantique pour intégrer le prestigieux Berklee College of Music de Boston. JD Beck vient de Dallas. Considéré déjà comme un prodige à l’âge de 8 ans, il a commencé à se produire en live dès ses 10 printemps, notamment avec le band d’Erykah Badu, le bassiste MonoNeon, et même parfois avec Jon Bap.
Ces deux virtuoses se sont rencontrés en 2018, lorsqu’ils ont été invités à jouer au gargantuesque NAMM (National Association of Music Merchants Show), à Anaheim en Californie. À l’initiative de ce qui s’avéra être leur tout premier concert ensemble, on retrouve un autre batteur de Dallas, Robert Searight, un ex-Snarky Puppy et leader de Ghost-Note. Malgré tout le bazar et l’agitation qui règne dans l’enceinte de ce grand salon dédié aux professionnels de l’industrie musicale, la magie s’opère et les deux compères sentent qu’il se passe quelque chose. Rapidement, ils se lient d’amitié et décident de former leur duo après qu’une autre session d’impro confirme cette sensation. Mais pour le moment, retour à la maison.
Il ne va pas se passer longtemps avant que DOMi et Beck ne se retrouvent. Le batteur invite la claviériste à le rejoindre au Texas pour une occasion bien particulière. C’est bientôt la fête d’anniversaire d’Erykah Badu et le jeune garçon doit jouer avec son groupe. Il fait rentrer DOMi dans la boucle. Au lieu d’une, elle restera finalement deux semaines dans la région. De nombreux jours pendant lesquels le duo ne fait littéralement que de la musique. Convaincue par cette expérience, la Française adapte son emploi du temps pour être au maximum avec son complice. Tout le temps, la paire joue et affûte un style qui se démarque de celui des autres. Cette évolution est visible via leurs nombreuses sessions de jam qu’ils s’empressent de mettre en ligne. Une manœuvre habile : internet se prend de passion pour ces deux jeunes musiciens.
Parmi les vidéos postées, il y a des morceaux originaux, mais aussi des covers issues d’un répertoire très pointu (Flying Lotus, Thundercat, J Dilla…). En rendant ces hommages à leurs artistes favoris, ces derniers tombent sous le charme de leur talent. À l’image du bassiste Thundercat, qui les prend sous son aile. Ensemble, ils donneront plusieurs shows, dont un très remarqué pour l’édition en ligne du Adult Swim Festival. De ce petit concert en mode Tiny Desk, on peut les voir aux côtés de la popstar Ariana Grande, interpréter le morceau Them Changes d’un Thundercat supervisant tout ça.
Depuis cette capsule, les lignes ont rapidement bougé. DOMi & JD Beck ont écumé les salles de concert, comme l’attestent les nombreuses vidéos d’eux postées par leur public. On a également pu les voir tutoyer Herbie Hancock, Earl Sweatshirt, Eric André ou bien The Roots, à qui ils ont envoyé une sorte de petit medley pour un de leurs concerts virtuels.
Dans la foulée, la paire s’est encore fait remarquer avec une vidéo hommage à « Madvillainy » (2004), l’album commun de Madlib et MF Doom. Un tribute pendant lequel on peut (encore) voir l’étendu de leur talent et de leurs influences, puis pourquoi pas essayer de disséquer leurs gestes si rapides et précis — qui leur valent de nombreux commentaires via lesquels le public les qualifie volontiers « d’extraterrestres ». Puis le destin s’est mêlé à l’affaire. Quelques jours plus tard, le duo a appris le tragique décès de MF Doom, accordant de facto à leurs reprises une saveur et une dimension encore un peu plus unique.
S’ils évoluaient en indépendants jusqu’ici, leur rencontre avec Anderson .Paak va redistribuer les cartes. Comme ses confrères, le Californien a lui aussi fondu pour ce jazz unique et ultra-moderne que distillent DOMi & JD Beck. L’auteur (avec Bruno Mars) de « An Evening with Silk Sonic » (2021) les a convaincu de rejoindre son label tout neuf, APESHIT, qui marche main dans la main avec Blue Note Records. En guise de toute première signature, Anderson .Paak a fait très fort.
Sous la houlette de cette jeune structure donc, le duo sort aujourd’hui son clip de présentation, SMiLE. Pour cette première compo officielle imaginée dans le garage de la maison familiale du batteur, DOMi & JD Beck semble avoir trouvé un groove singulier.
Qui dit premier single, dit forcément premier album à venir. Pour le moment, aucune information à ce propos. Par contre, au vu du casting de ce clip — qui convie donc Mac DeMarco (eh oui, papy, c’est bien lui), Thundercat, Jhair Lazo (l’ingénieur du son en chef de Paak), le bassiste Daryl Johns et bien sûr Anderson .Paak, il est fort probable que tous ces grands noms se retrouvent figés sur la tracklist du premier disque de DOMi & JD Beck. Doit-on s’attendre à d’autres surprises ? Évidemment, le boss de APESHIT a déjà prouvé qu’il avait le bras long.