L’histoire tragique derrière la pochette du “Closer” de Joy Division

En 1980, Joy Division sort son deuxième et dernier album, deux mois après le décès de Ian Curtis. A la vue de sa pochette, le constat est affligeant pour les fans du groupe ; on y perçoit une tombe massive, le tout en noir et blanc. Pour eux, il n’y a pas de doute, il s’agit d’une tentative médiocre de la part de la maison de disque de capitaliser sur la mort du chanteur du groupe. La réalité est tout autre.
  • Avant de devenir New Order après la mort d'un Mancunien dépressif, les membres de Joy Division ont sorti deux albums considérés comme des classiques par les fans. Après une première pochette que l’on retrouve sur des centaines de milliers de t-shirts à travers le monde (celle de “Unknown Pleasure”), leur deuxième est bien plus austère et lourde de sens. Cette cover, seulement composée de noir et de blanc, représente trois personnages à genoux devant une tombe juste en dessous du titre du disque, qui prend la moitié de son espace. Elle a été réalisée par Peter Saville bien avant la mort tragique de Ian Curtis. 

    Quelques mois avant la sortie du disque, alors que Saville convie Joy Division dans son studio à Londres, ils se mettent tous à feuilleter les pages du magazine de photo Zoom. Les quatre hommes tombent alors tous amoureux d’une image capturée par le français Bernard Pierre Wolff. Elle a été prise dans le cimetière de Staglieno à Gênes, en Italie. On y voit la tombe de la famille Appiani sculptée par Demetrio Paernio 70 ans avant la sortie de “Closer”. C’est décidé : ce monument sera la pochette du disque. Peter Saville y ajoute le nom de l’album dans une typographie romaine, le tout en noir et blanc, et le tour est joué.

    Le directeur artistique a révélé qu'à la vue des photos de Bernard Wolff, le groupe lui a affirmé qu’elles convenaient parfaitement à l’esthétique qu’ils voulaient créer. Par conséquent, ils ont choisi un autre des clichés du Français pour illustrer le single Love Will Tear Us Apart.

    Joy Division ainsi que leur label, Factory Records, se sont mis d’accord pour sortir leur second album le 18 juillet 1980. Mais un sombre événement va venir ternir le disque ; le suicide de Ian Curtis deux mois tout pile avant la sortie officielle de “Closer” dans les bacs. Lorsque cet élément est pris en compte, la pochette devient d’un coup beaucoup plus glauque. Mais alors pourquoi diable la maison de disque et les trois membres du groupe restants ont choisi et gardé cet artwork ? En vérité, sa sélection s’est faite plusieurs semaines avant le décès du chanteur. 

    En 1980, Factory n’a pas su gérer ses différentes sorties d’album et celle de “Closer” a été longuement retardée, au point d’arriver après la mort du chanteur phare de Joy Division. Dans son autobiographie intitulée Record Play Pause, Stephen Morris évoque la sortie de “Closer” : “La photo ressemblait soit à une prophétie sinistre, soit à une blague de mauvais goût. Qui mettrait une tombe sur la couverture d'un album d'un groupe dont le chanteur venait de mourir ?” En effet, pas grand monde. Pourtant, c’est le choix qu’a décidé d’assumer Joy Division.

    Dans le documentaire Joy Division sorti en 2007, Peter Saville évoque le moment où Ian Curtis s’est suicidé et les répercussions sur la pochette qu’ils avaient choisi : “Tony Wilson m'a annoncé la nouvelle et je lui ai dit que nous avions un problème. La pochette de l'album a une tombe dessus. Mais le groupe a dit : ‘on l'a décidé ensemble, Ian l'a choisi. Ce qui est troublant, c'est de se demander ce qu'il avait en tête.” Si cet artwork est resté, c’est donc parce que Ian Curtis l’avait choisi, mais avait-il anticipé sa mort ? Impossible de le savoir.

    Aujourd’hui, les fans de Joy Division savent très bien que la pochette de “Closer” a également été imposée par Ian Curtis. Grâce au site internet Joy Division Central, il est même indiqué comment retrouver la tombe exacte correspondant à l’artwork dans le cimetière de Gènes. De nombreux adeptes du groupe vont se recueillir devant l'œuvre de Demetrio Paernio, comme pour faire revivre un artiste à jamais sculpté dans le marbre du rock’n’roll.