2022 M03 11
En 2012, Vladimir Poutine voit rouge. Non pas parce qu'il s'est soudainement pris de passion pour le communisme, et pour le petit livre qui va avec, mais parce que Nadya Tolokonnikova, membre des Pussy Riot, vient de prononcer une prière punk au sein de la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou. En guise de vœux, l'artiste et activiste russe implore la Vierge Marie de chasser Vladimir Poutine du pouvoir. Ni une, ni deux, la jeune femme est reconnue coupable d'hooliganisme et emprisonnée pendant deux ans.
Fin de l'histoire ? Ce n'est au contraire que le début. Dès 2013, les Pussy Riot ont le droit à un documentaire, Pussy Riot - Une prière punk, présenté à Sundance, tandis que le reste du monde comprend vite qu'il paraît impossible d'étouffer le souffle révolutionnaire de Nadya Tolokonnikova. Pour preuve, on tient cette déclaration, tenue dans une interview au Guardian publiée mercredi dernier : « On ne peut pas agir gentiment avec Poutine. Il est fou. Il pourrait ouvrir le feu sur son propre peuple ».
Ce genre ce doigt d’honneur lancé à la face des puissants, les Pussy Riot en font depuis 2011, année où ce collectif 100% féminin commence à multiplier les performances, à la fois artistiques et provocatrices, dans l'idée d'exhorter le pouvoir en place. Au sein des Pussy Riots, on trouve notamment une dizaine de chanteuses, toutes influencées par le punk, les déflagrations de Bikini Kill ou toutes autres figures ayant émergé au sein du mouvement riot grrrl au cours des années 1990. On les sent du moins révoltées par les mêmes problèmes : la domination du patriarcat, le racisme, les violences conjugales, les insatisfactions sociales et l'abus de pouvoir des forces de l'ordre.
En 2018, elles rêvent même d'un monde alternatif où « au lieu d’arrêter les activistes et de les mettre en prison, les policiers les rejoindraient ». Le morceau s'appelle Track About Good Cop et permet au collectif de s'essayer à d'autres sonorités, plus dansantes, plus électroniques, mais toujours autant marquées par l'esthétique des années 1990
Derrière leurs nombreux happenings politiques, beaucoup semblent oublier que les Pussy Riot, ce n'est effectivement que ça : des riffs combatifs, pensées pour accompagner des paroles qui incitent à pendre la misogynie (ou n'importe quelle forme de pouvoir) par les deux bouts. Il suffit de traduire les titres de leurs albums pour s'en convaincre : « Tuer le sexiste » (2012), « Ne les laisse pas t'avoir à nouveau » (2015) ou encore les titres Make America Great Again (Trump a dû apprécier..) et I Can't Breathe (2015), composé en hommage à Eric Garner, cet Afro-américain décédé un an plus tôt suite à une bavure policière.
Ces dix dernières années, il y a également eu un certain nombre de collaborations : Marina & the Diamonds, Brooke Candy, Mykki Blanco, Dave Sitek (monsieur TV On The Radio) et, plus évident encore, Le Tigre, le temps d'un morceau composé spécialement pour la troisième saison House Of Cards. Son titre ? Don’t Cry Genocide. Son sujet ? La militarisation de la société. Oui, déjà.
Au vu du contexte politique, les Pussy Riot ont donc remis les gants (et la cagoule, si caractéristique de leur approche). Il ne s’agit plus de sonner le tocsin, mais bien d’accompagner la colère du peuple russe, en partie hostile aux directives de Poutine. Problème : la puissance de frappe de ce dernier. « Poutine a signé une loi condamnant à 15 ans de prison quiconque évoque une guerre en Ukraine. On doit appeler ça une opération militaire spéciale », déclarait Nadya Tolokonnikova, toujours au Guardian.
À défaut de pouvoir parler de guerre, Pussy Riot a toutefois entamé un récent concert à Dallas par ces mots, adressés autant aux fascistes qu'au président russe : « Fuck you ». Ça n’empêchera pas les massacres en Ukraine, mais demandez à n’importe quel psy : il paraît que c’est toujours bon de se libérer de sa colère.