L’histoire de la pochette ratée du “Electric Ladyland” de Jimi Hendrix

Peu d’albums peuvent se vanter d’avoir eu trois pochettes différentes au cours de leur existence. C’est le cas de “Electric Ladyland”, troisième et dernier disque du groupe The Jimi Hendrix Experience. Après une photo de femmes nues et une photo floue, celle pensée par l’artiste n’arrivera finalement que 50 ans après la sortie de l’album.
  • Je n'aurais pas mis cette photo sur la pochette moi-même. Ce ne sont que des conneries.” Tels sont les mots de Jimi Hendrix à propos de la cover du troisième album de son groupe. Sur cette dernière, on retrouve neuf jeunes femmes nues dans l’obscurité. Il s’agit là d’une photo sans grand intérêt, produite dans l’unique but de faire réagir, ce qui fût un échec cuisant.

    Le shooting a lieu dans un drôle de bar clandestin de Londres en 1967, d’après le livre Electric Ladyland de John Perry. Chris Stamp, le dirigeant de Track Records (distributeur de l’album en Grande-Bretagne), enrôle un jeune photographe du nom de David Montgomery. Les deux hommes se rendent dans ce bistrot où ils ont rendez-vous avec vingt jeunes femmes, payées chacune 5 pounds (ou 10 pounds si elles ne mettent pas de culotte) pour le shooting. L'une des modèles ayant posé pour la pochette d’Hendrix s’est exprimée quant au rendu final : “On a l'air d'un tas de vieilles tartes. C'est pourri. Tout le monde était superbe, mais la photo nous fait passer pour vieilles et fatiguées. On essayait d'avoir l'air plus sexy, mais ça n'a pas marché.” La faute à un photographe médiocre embauché par une maison de disques qui ne savait pas ce qu’elle faisait.

    C’est une certitude, artistiquement, la cover est ratée à tous les niveaux. Mais ce qu’il y a de pire encore, c’est la volonté de Track Records. La maison de disques avait pour objectif de promouvoir “Electric Ladyland” en utilisant une image provocante (comme si Hendrix avait besoin de ça). Le tabloïd britannique The Mirror s’empresse alors de sauter sur l’occasion. Il publie une interview d’un disquaire déclarant : “C'est allé trop loin. Il n'y a pas besoin de pochettes comme celle-ci.” Ce à quoi Track Records répond : “Cette cover doit être considérée d'un point de vue artistique.” Une justification qui a du mal à tenir la route tant elle est bancale. Le coup de com’ n’a pas du tout pris puisque Jimi Hendrix a complètement rejeté la pochette à sa sortie.

    Si Track a pu sortir cette couverture sans l’accord de l’artiste, c’est parce que ce dernier n’y prêtait pas vraiment attention. Alors que le guitariste savait précisément ce qu’il voulait pour sa pochette, il s’est  aussi laissé marcher dessus par sa maison de disque américaine, Reprise Records. Hendrix avait eu une idée précise concernant l'artwork de “Electric Ladyland”. Il voulait utiliser une image capturée par Linda Eastman de lui et son groupe entourés d’enfants à Central Park, devant une statue d’Alice au pays des merveilles. Tout comme leurs homologues britanniques, les Américains de Reprise n’ont pas du tout écouté la demande du musicien. Ils sont allés chercher une photo jaune et rouge du leader de The Jimi Hendrix Experience complètement floue. 

    L'artwork original - et décrit précisément dans une lettre du guitariste - a pu voir le jour, mais Hendrix ne la verra jamais de son vivant. Il a fallu attendre les 50 ans de “Electric Ladyland” et une réédition événement en 2018 pour que son choix soit enfin respecté. Et pourtant, c'est la moins pire des trois pochettes.