2021 M10 9
L’idée originale pour la cover de “Three Imaginary Boys” ne vient pas de The Cure, mais de leur patron de l’époque, Chris Parry. Le boss de la maison de disque Fiction Records s'amusait à parodier les pochettes populaires des seventies, trop souvent identiques à son goût. La plupart du temps, ces dernières étaient composées d'un portrait du groupe avec un nom, trop banal pour lui. Par conséquent, le producteur a décidé de remplacer les membres de The Cure par des objets du quotidien : une lampe, un frigo et un aspirateur. Ces ustensiles n’ont pas été choisis au hasard, bien au contraire. Robert Smith est le lampadaire, car leader incontesté du groupe, pendant que Michael Dempsey, connu pour être d’humeur glaciale, incarne le réfrigérateur. Sympa.
Pour mettre en place son concept, Chris Parry contacte Martyn Goddard, déjà connu pour son travail avec The Jam, Blondie ou encore Elton John. Après avoir reçu les consignes fixées par Fictions Records, le photographe s'attelle à la tâche : “J'ai mis du temps pour trouver, dans les magasins d'occasion, les bons appareils. Ensuite, j'ai loué un grand studio à Covent Garden, à Londres. Mais après avoir trouvé les bons objets, j'ai suggéré qu'un fond rose vif ferait ressortir la couverture et aurait un plus grand impact visuel.” Pour ce faire, une autre personne entre en jeu : Bill Smith. Alors directeur artistique dans le label de The Cure, il travaille étroitement avec Goddard sur le premier album du groupe. Il est l’homme derrière le logo situé en haut à droite de la photographie et il tracera également les dessins présents au dos du disque.
Tout aussi hallucinant que l’absence du groupe sur la cover, les noms des morceaux n’apparaissent pas sur la facette du CD, ni du vinyle. Ils sont remplacés par des petits cryptogrammes énigmatiques, tout comme l’artwork principal du disque. Sur la quatrième de couverture, ce sont des photos de Goddard ou des collages de Bill Smith qui symbolisent chaque chanson. D’ailleurs, l’image utilisée pour représenter le morceau Fire In Cairo fera office de pochette pour la compilation “Boys Don’t Cry” sortie en 1980. C’est seulement après avoir attentivement prêté une oreille aux morceaux de l’album que l’on comprend la signification de chaque image.
Étonnamment, ce concept d’artwork plus qu’original n’a pas vraiment plu au groupe. Les musiciens britanniques s’y sont fermement opposés, ne comprenant pas l’idée de Chris Parry. En même temps, le fait que Robert Smith se soit énervé parce qu’il est dépeint en lampadaire est plutôt compréhensible. Mais comme “Three Imaginary Boys” était le tout premier album studio de The Cure, c’est leur patron qui a eu le dernier mot.
En misant sur une pochette minimaliste, The Cure et Fiction Records ont certainement perdu une partie de leur public à la sortie de l’album. Mais grâce à cette stratégie ambitieuse, la cover a traversé les époques tout en restant dans les esprits des adeptes du groupe. Aujourd’hui, elle est considérée comme l'un des premiers symboles du mouvement cold wave.