2021 M07 10
Pour leur cinquième album studio, les Eagles n’ont pas fait dans la demie mesure. Tout d’abord, il contacte le directeur artistique le plus en vogue de l’époque : John Kosh. Avant de se consacrer pleinement à la pochette du disque, il a pu écouter “Hotel California” et la chanson éponyme, histoire de bien visualiser l’univers et la direction de l’album. Déjà derrière le succès d’Abbey Road quelques années auparavant, l’Anglais s’est occupé d’aller dénicher un photographe digne de ce nom pour remplir les attentes du groupe ; David Alexander.
Don Henley, leader incontestable des Eagles, a demandé à son équipe que sa pochette représente une ambiance de “gloire fanée, de perte d'innocence et de décadence” se souvient John Kosh, tout en représentant un hôtel californien donc. La tâche ne fut pas évidente pour le directeur artistique et son acolyte David Alexander. Les deux hommes sont allés barouder dans les rues de Los Angeles pour trouver celui qui allait devenir l’Hotel California. Ils sont revenus auprès d’Henley pour lui soumettre leurs trois meilleurs clichés. Parmi eux, le chanteur choisit la photo du Beverly Hills Hotel qui deviendra la pochette définitive de l’album.
Cet hôtel est situé au 9641 Sunset Boulevard, dans le quartier très huppé de Beverly Hills, comme son nom l’indique. Voulant rester fidèles aux consignes des Eagles, Kosh et Alexander ont attendu sur une nacelle en face de l’établissement pour le capturer au moment idéal. La photo a été prise de l’autre côté du Sunset Boulevard et pour éviter d’avoir la route dans le champ, les deux artistes se sont positionnés à 18 mètres de haut. Après avoir passé quelques minutes sur une nacelle bancale, ils réussissent à immortaliser le Beverly Hills Hotel à l’instant où le soleil se faufile juste derrière.
A la sortie du disque, peu de gens reconnaissent la façade du célèbre hôtel, mais ça n’a pas duré. Très vite l’information remonte jusqu’aux oreilles de l’établissement qui veut se faire payer. Par chance, ces poursuites n'aboutissent jamais comme le révèle Kosh : “Alors que les ventes de “Hotel California” explosent, les avocats du Beverly Hills Hotel m'ont menacé d'une action en justice. Jusqu'à ce que mon avocat me fasse gentiment remarquer que les demandes de réservation de l'hôtel avaient triplé depuis la sortie de l'album.” Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Pour l’illustrer l’arrière du vinyle, les Eagles décident d’inviter tous leurs amis du rock’n’roll dans un autre hôtel de Los Angeles, le Lido. La photo est encore une fois capturée par David Alexander. Dès que l’album se retrouve entre les mains des fans, une drôle de théorie apparaît : l’homme seul au balcon en haut de l’image serait Anton LaVey, alors chef de la secte Church of Satan. Cette hypothèse ne se base sur absolument rien, mais elle rejoint celle qui affirme qu’Hotel California possède un message caché faisant la promotion du diable. Dans les paroles, on peut entendre “They just can’t kill the beast / Ils ne peuvent pas tuer la bête” ou “That spirit here since nineteen sixty nine / Cet esprit est là depuis 1969”. Pour certains fans, ce sont des allusions évidentes à Lucifer et à une certaine église abandonnée en 1969 puis récupérée par des satanistes avant de se faire renommer... “Hotel of California”.
Évidemment, cette sombre théorie du complot n’a aucun fondement et John Kosh s’est empressé de la démentir : “Personne ne sait ce que fait cette drôle de silhouette au balcon, ni qui elle est. Je suppose qu'il doit s'agir d'un esprit bienveillant, car Hotel California est immédiatement devenu disque de platine !” Grâce à des polémiques très vite étouffées et un disque plus que solide, “Hotel California” a réussi à entrer dans l’histoire sans réservation et il n’est toujours pas près de faire son check out.