L'avenir de la presse rap est-il sur Twitter ?

Il y a encore quelques années, le webzine était le format privilégié par des amateurs de musique pour raconter leur passion et défricher de nouvelles scènes. À présent, ces médias semblent avoir pris la forme de pages Twitter qui, via des "threads", posent un vrai regard, curieux et érudit, sur l’actualité rap.

Au-delà des chiffres de vente, du nombre de streams et de l'éternelle guéguerre entre les puristes et les supposés opportunistes, le rap est sans doute la musique qui fait le plus parler, notamment sur Twitter où une nouvelle génération de passionnés tente de promulguer la culture hip-hop à travers des threads extrêmement bien ficelés et documentés. Spread Vibes, L’Oreille Musicale, Alchimist, Gather : tous ces comptes cumulent des milliers d’abonnés et documentent l’actualité rap avec un œil d’expert et de fines analyses, loin des débats stériles et des articles "putaclics".

« Je pense que Twitter est parfait pour ce genre de contenu, dans le sens où c’est un endroit qui permet d’être assez facilement en contact avec des gens qui ont les mêmes centres d'intérêt pour échanger autour d’un même sujet, précise Junior, un des rédacteurs à l’œuvre sur la page de L’Oreille Musicale. Les gens ont besoin de partager de la musique, d’en faire découvrir : c’est donc ce qu’ils font ! D’autant que l’on a l’impression que la presse spécialisée se concentre sur ce qui marche, fait des ventes, ou est dans la tendance... Nous, on est aussi là pour parler des plus petits artistes ! »

Chez Gather, on partage globalement le même avis : Twitter serait un moyen de toucher directement le lecteur, qui accède ainsi à l’information sans avoir à quitter son fil d’actualité. En revanche, le jeune homme derrière ce compte, passé par différents webzines, refuse de « blâmer » les médias traditionnels : « Concernant la presse spécialisée, il n’y a clairement pas de manque à mes yeux pour ce qui est du rap français. On a vraiment une grosse poignée de médias complémentaires et pertinents dans ce domaine. » Avec une nuance, toutefois : « Pour le secteur rap US, j’avoue que je trouve ça beaucoup plus incomplet. »

Mais que l’on ne s’y trompe pas : l’idée n’est pas de concurrencer qui que ce soit, simplement de parler de musique avec passion. « On ne fait pas ça pour combler un manque ou quoi que ce soit, précise Alexis de L’Oreille Musicale, on parle juste de choses qu’on aime à notre manière et ça s’arrête là. Je pense qu’il s’agit vraiment d’une démarche extrêmement spontanée et pas vraiment réfléchie. »

À en croire toutes les personnes interviewées ici, l’idée de partager son opinion et ses influences semble être le maitre-mot. Ce qui ne les empêche pas de rêver un jour, pourquoi pas, de professionnaliser davantage leur démarche, ne serait-ce que pour rencontrer les artistes dont ils admirent le travail. « En attendant, notre identité reste la chose la plus importante », affirme Alexis. Et Alseiny, un de des acolytes, d’ajouter : « On a déjà plus de 2000 abonnés en moins d’un an, je trouve que c’est déjà très bien ! »

Du côté de Gather, malgré ses 7300 abonnés et le récent lancement d’une véritable plateforme, l’objectif est également de rester foncièrement indépendant dans leurs choix éditoriaux. Avec, toutefois, des projets futurs qui ne manquent pas d’ambition : un podcast, un reportage à New York sur la scène underground locale et de l’évènementiel, ne serait-ce que pour « offrir la possibilité à certains artistes, qui ne sortent que très peu des États-Unis, de venir en France ». Ce ne sont pour le moment que des idées, des envies ou des rêves, mais ces projets suscitent déjà l'intérêt. D'autant plus qu'ils sont envisagés par des médias 3.0, qui documentent avec talent des projets que peu d'autres médias auraient eu l'audace de soutenir ou analyser.