King Krule, l'interview anti-promo

Sa passion pour les golden retrievers, son rapport à la guitare, ses comédies préférées, sa relation à la bouffe : quand King Krule parle, ce n’est pas pour ne rien dire. Y compris lorsqu’il s’agit de donner une interview où il n’est jamais question de son dernier album, le pourtant excellent « Space Heavy ».
  • Dis-moi, comment va Archy Marshall dans ce monde brutal ?

    Oula, il y a tout un tas de sentiments qui se mélangent en ce moment. Mais si je devais en retenir un, ce serait sans doute la déception. Surtout si on considère, comme tu le dis, que le monde dans lequel nous vivons est brutal.

    Ce qui est sûr, c’est que l’on vit dans des sociétés où tout va très vite, où tout le monde est constamment pressé. Tu trouves que l’on prend assez le temps de demander « comment ça va ? » aux gens qui nous entourent ?

    Non, c’est sûr que non. Et en même temps, ces trois dernières années, avec le Covid, je trouve aussi que l’on a pris la mauvaise habitude de poser des questions hyper déplacées à des personnes que l’on connaît à peine : « As-tu eu le Covid ? » ; « T’es-tu fait vacciner ? » ; « Pourquoi tu ne voudrais pas te faire vacciner ? » ; « Tu n’as pas perdu de proche au moins ? », etc.. Une fois, j’ai demandé à quelqu’un s’il avait eu le Covid, et je m’en suis voulu… C’est inapproprié. Il y a des choses, intimes, qu’il faut pouvoir garder pour soi. Moi, en tout cas, je sais que j’ai besoin de temps pour parler de mon intimité à quelqu’un.

    En interview, tu parles pourtant ouvertement de ta fille, âgée de 4 ans. Elle n'est pas trop effrayée d'entendre la grosse voix de son père chanter sur des mélodies qui pourraient servir de bande-son à un roman d'Edgar Allan Poe ?

    Il faut savoir qu’elle cherche parfois à m’imiter haha. Sinon, oui, je ne te cache pas qu’elle préfère écouter Baby Shark ou n’importe quel titre de Solange…

    Le premier single de ton album (Seaforth) est accompagné d’un clip tourné en compagnie de deux golden retrievers. D’où vient cette passion pour le meilleur ami de l'homme ?

    J’avais juste besoin de trouver une astuce afin de représenter des parents et un enfant. Je ne voulais pas que ce soit des humains, donc j’imagine que les animaux se sont révélés être la meilleure option. Et puis, les chiens sont très cool, tout le monde s’attache à ces petites bêtes.

    En gros, le clip de Seaforth, c’est un peu un Disney façon King Krule ?

    Ha ha, oui, c’est ma façon de parler de sentiments via d’autres personnages, sans trop me dévoiler.

    Tu as l’impression qu’il est plus facile de tisser des liens avec les animaux qu’avec les humains ?

    Non, je n’irai pas aussi loin. Je ne traine pas au quotidien avec des chiens, mais je les aime. Petit, j’avais même réussi à tisser un lien très particulier avec mon chien. Je pouvais le regarder dans les yeux et comprendre certaines de mes émotions. Un peu comme s'il saisissait ce que je ressentais dans la vie de tous les jours, comme s’il me permettait de mieux les gérer. Personne ne me paraissait aussi sincère que lui, j’avais la sensation qu’il m’appréciait pour ce que j’étais, que je pouvais être la personne que je voulais être. Cela dit, il ne faut pas se méprendre : pour s’amuser, les humains restent les meilleurs. 

    Dans une interview, tu disais toutefois que ta meilleure amie était sans doute la guitare...

    C'est vrai que je suis constamment collé à une guitare depuis que j'ai huit ans. Ça m'a rapporté de l'argent, ça m'a permis d'extérioriser de la haine, de recevoir de l'amour, etc. Je reconnais avoir une préférence pour les petites guitares, celles qui ne coûtent pas cher et que l'on peut détruire, mais l'important est finalement d'en avoir toujours une à portée de main.

    Quand on regarde les photos promotionnelles de ton nouvel album, on te voit à chaque fois aux côtés de deux gars bodybuildés. Tu aimes l’idée d’être ridicule ?

    C’est la faute de mon pote Franck, un gars avec qui je ne devrais plus travailler tant il me fait faire à chaque fois des trucs débiles. Très honnêtement, j’aurais envoyé bouler n’importe qui d’autre me présentant une telle idée. Mais lui, sans que je sache réellement pourquoi, je crois en ses idées, en sa vision.

    Tu regrettes que l’on ne parle pas assez de l’humour dans tes morceaux ?

    Non, ce n’est pas un regret, mais je suis heureux que tu puisses le percevoir. C’est bête, mais c’est toujours bon de voir comment certains textes ou certaines mélodies peuvent être reçus en fonction de la sensibilité des gens qui écoutent.

    « Toutes les femmes de ma famille sont à fond dans Formula 1, donc je suis en quelque sorte obligé de regarder, surtout lorsque je suis avec ma mère. »

    Il y a des comédies que tu regardes en permanence ?

    J'ai beaucoup rigolé devant Eat The Rich ou Triangle Of Sadness (Sans filtre, en VF), ne serait-ce que parce qu’ils mélangent le drame et la comédie, parce qu’ils se moquent intelligemment du comportement des plus riches. Aussi, je suis obligé de citer Peep Show, une série anglaise. Sans doute l'une de mes préférées.

    Tout à l’heure, je faisais allusion à ces mecs bodybuildés auprès de qui tu as choisi d’apparaître. Quelle est ta relation au sport ?

    J’aime le billard et suis un grand fan de foot. J’y jouais beaucoup étant petit… Pourtant, je n’ai jamais supporté une équipe en particulier. Bon, là, j’ai un vieux t-shirt du PSG, avec l’ancien logo, mais je n’idolâtre pas les clubs en tant quel. C’est juste que j’aime l’esthétique des années 1990, ou peut-être que je suis simplement nostalgique de l’époque où l’équipe comptait dans ses rangs des joueurs comme Pocchetino, Ronaldinho ou Pauleta. Aujourd’hui, la Formule 1 occupe aussi une place importante dans ma vie. Toutes les femmes de ma famille sont à fond dans Formula 1, donc je suis en quelque sorte obligé de regarder, surtout lorsque je suis avec ma mère.

    Tu habites aussi à proximité d’Anfield, le stade de Liverpool, non ?

    Oui, et tu sais quoi ? J’ai collé un polaroïd de la vue de mon appartement sur la couverture d’un de mes nombreux carnets d’écriture… Un bloc-notes qui sera rempli d’ici quelques jours tellement j’écris en permanence.

    À quand le roman, dans ce cas ?

    Le rêve, ce serait d’écrire un roman noir, quelque chose d’un peu romantique et vraiment pas terrible dont je pourrais vendre les droits à la télé.

    Une de tes nouvelles chansons s’appelle Hamburgerphobia. Tu es plutôt du genre cuisine distinguée, c’est ça ?

    Non, j’aime bien les restaurants, c’est vrai, mais j’aime aussi cuisiner. Je trouve ça très créatif, ça me fait du bien, même si je m’estime assez nul dans le domaine. Bon, heureusement, mes proches aiment ce que je fais, et c’est bien là le principal. 

    Le dernier repas qui t’a mis bien ?

    C’était un poisson préparé en vitesse avant de venir à Paris.

    Bien se nourrir quand on est en tournée, c’est compliqué ou tu parviens à t’en sortir ?

    En France, c’est incroyable. Tu as une entrée, un plat, un dessert, et c’est souvent très bon. Pareil dans le reste de l’Europe : à Copenhague, par exemple, une salle comme Vega a engagé son propre chef cuistot. En Angleterre, c’est tout l’inverse. Ici, il faut se battre pour avoir un vulgaire morceau de jambon… Il y a un vrai problème avec la bouffe dans ce pays, ce qui explique peut-être pourquoi les mecs jouent un rock si énervé : ils ont juste faim, bordel !