Le jour où Bowie et Ryuichi Sakamoto ont joué ensemble dans un film de guerre

C'était il y a pile 40 ans : en 1983, et alors que le tube "Let’s Dance" inonde les ondes, le film « Furyo » sort en salles, et c'est un film de guerre psychologique où David Bowie tiendra l’un des rôles principaux face à l'immense musicien japonais Ryuichi Sakamoto, décédé le 28 mars dernier à l’âge de 71 ans.
  • À l’instar d’un Bowie, Ryuichi Sakamoto aura été un immense nom au sein de la musique. Depuis sa mort, annoncée le 2 avril — il est officiellement décédé le 28 mars 2023 — une pluie d’hommage se déverse, à juste titre, sur les réseaux sociaux. Et pour cause : il fait partie des artistes japonais les plus importants de son pays, connu et reconnu à travers le monde pour ses mélodies, ses éclats de génie et sa gentillesse. 

    En 1983, alors qu’il brille de mille feux avec son groupe — Yellow Magic Orchestra — ou en solo avec des disques tous aussi somptueux de délicatesse, il partage l’affiche au cinéma avec une autre star de classe mondiale : David Bowie. Les deux se sont rencontrés lors d’une soirée à Tokyo en 1980. Mais au départ, le réalisateur Nagisa Oshima n’avait pas les noms de Bowie et Sakomoto en tête pour Furyo : il voulait Robert Redford — qui refuse le rôle — et Kenji Sawada, une idôle nationale. Finalement, l’Anglais jouera Jack Celliers, un soldat rebelle. Et Ryuichi deviendra le capitaine Yonoi.

    L’histoire se déroule en 1942 dans un camp de prisonniers de l'armée japonaise à Java, en Indonésie. Le film s’étend sur la relation entre l’homme de guerre japonais, strict et sévère, et le rebelle anglais au charme fou qui refuse d’obéir, et montre aussi les tensions et frustrations entre les deux hommes (rivalité, attirance, répugnance, empathie, etc.). 

    Si David Bowie accepte le rôle — il est pourtant un piètre acteur et plusieurs scènes sont jugées maladroites dans leur interprétation — il refuse cependant de s’atteler à la bande originale du long-métrage. Pas grave puisqu’un autre musicien ultra talentueux est aussi au casting et se dévouera pour composer la musique : Ryuichi Sakamoto. Pour sa première au cinéma, aussi bien devant l'objectif — il est aussi bon que Bowie — qu’aux manettes des musiques, le Japonais rayonne musicalement.

    Le thème principal, Merry Christmas Mr. Lawrence, est décrit comme folklorique, fait partie des compositions les plus mélodiques. Fun fact : le morceau sera samplé par PNL sur Tchiki Tchiki en 2016. Les autres titres font la part belle aux orchestrations traditionnelles et aux musiques électroniques, un style qui a déjà fait la renommé de son groupe Yellow Magic Orchestra. La B.O. émouvante se termine sur Forbidden Colours et une collaboration avec David Sylvian, ex membre de la formation britannique Japan. Sakamoto avait d’ailleurs hésité à demander à Bowie de l’aider pour les musiques. Mais l’Anglais, concentré sur son jeu d’acteur, ne s’est pas laissé séduire par cette proposition.

    En 2018, Sakamoto était revenu sur le tournage, expliquant qu’il avait passé un mois en compagnie de Bowie sur une île. Comme il n’y a avait pas grand chose à faire le soir à part se baigner ou dîner au restaurant de l’hôtel, fatalement, les deux hommes avaient créé des liens. Pourtant, ils n’ont jamais réellement repris contact, même quand les deux hommes vivaient tous les deux à New York. Pour Ryuichi, il s’agit de l’un de « ses plus grands regrets », comme il confiait au Guardian.

    Si Furyo marque le début d’une carrière cinématographique intense pour Sakamoto — le Japonais a plus de 40 bandes originales à son actif — il coupe court à celle de Bowie, qui n’aura plus de grand rôle comme celui-ci après cette expérience. Est-ce grave ? Non. Car ils avaient assez à faire avec la musique pour marquer à jamais les esprits. Les deux auront désormais tout le loisir de rattaper le temps perdu au paradis des musiciens.

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