L'histoire de GG Allin, le rockeur hardcore qui voulait se suicider sur scène

Il vient du New Hampshire et n’avait strictement aucune limite. Connu pour ses excès en tous genres, le rockeur Jesus Christ Allin est passé maintes fois par la case prison avant de trouver la mort. Mais pas comme il voulait.
  • Si la maxime « no future » du punk devait avoir une incarnation, ça serait sans aucun doute Kevin Michael Allin, né Jesus Christ Allin, alias GG Allin. Authentique performeur avant que les artistes de l’art contemporain ne le deviennent, ce kid de Lancaster dans le New Hampshire a sans cesse repoussé les limites de l’inacceptable, sur scène, comme dans la vie. Son plus grand souhait ? Se suicider sur les planches lors de la fête d’Halloween 1989. Loupé, sa mort arrivera en juin 93 à New York, dès suite d’une overdose d’héroïne.

    Fils d’un fanatique religieux, Allin voit le jour en août 1956. Après son enfance « chaotique, pleine de changements et de dangers » comme il le dit lui-même, marquée par une grande précarité, il se passionne pour le rock et les New York Dolls. Ils seront sa porte d’entrée, mais d'autres suivront : comme Alice Cooper, Hank Williams et The Stooges. À son tour, avec son frère aîné Merle Allin, il s’essaye au genre en débutant par la batterie. Il roule sa bosse avec plusieurs autres formations, avant de monter la sienne, The Jabbers. GG passe alors devant le micro. Jusqu’ici, tout va bien, Allin n’est qu’un leader de punk « normal », quoiqu’un peu fou. Malheureusement, personne ne prend son groupe au sérieux, malgré le disque « Always Was, Is and Always Shall Be » sorti en 1980.

    Pour gagner l’attention des gens de sa ville, GG commence à avoir des comportements déviants sur scène : entre des bagarres à outrance et autres actes déplacés... Très sauvages, les shows ne durent qu’une dizaine de minutes avant que les clubs ne les mettent dehors. Un premier point de rupture est atteint. The Jabbers implose et Allin se lance en solo. Il commence par jouer avec beaucoup de formations (Cedar Street Sluts, The Scumfucs, The Texas Nazis…). Ensuite, en 1985, arrive le hardcore « E.M.F. » — qu’on évitera de traduire. Ce disque est une déclaration de guerre à ceux qui l’ont rejeté. À partir de là, ça dérape vraiment.

    Lorsqu’il est en tournée, GG ingurgite littéralement tout ce qui lui passe sous la main. Pire encore, les spectateurs ont pris l’habitude de lui offrir plein de sortes de drogues différentes. Un cocktail explosif dont la composante principale est l’alcool. Dans cette deuxième moitié des eighties, Allin n’a qu’une envie : détruire le rock’n’roll et instaurer la peur. Une fois qu’il aura réussi, il pourra alors assouvir son souhait le plus fou, se suicider sur scène, comme une sorte de sacrifice à ce même rock. Le chanteur a aussi choisi la date. Ce rituel aura lieu pour la fête d’Halloween 1989, comme il est expliqué dans le documentaire Live Fast Die - The GG Allin story (2008).

    Au fur et à mesure que ses concerts deviennent plus violents et destructeurs (on le voit très souvent le visage en sang, en train de se scarifier ou d’effectuer des actes scatophiles), la date butoir approche. Mais sa renommée sur les planches lui vaut un séjour en prison, ce qui l'empêche d’accomplir sa volonté. C’est la première d’une cinquantaine d’incarcérations. La dernière l’envoie derrière les barreaux pour 18 mois. À sa sortie, toute trace d'humanité a quitté son corps. Ce changement se ressent d’abord sur scène, puis dans sa musique, particulièrement au niveau des paroles de ses chansons. Il publie alors son disque le plus punk et surtout, choquant, « Brutality and Bloodshed for All » (1993) – qui vient d’être réédité en version vinyle cet avril 2022

    Le 27 juin 1993 arrive le concert de trop, au Gas Station de New York. Comme à son habitude, en guise de préparation, GG passe toute la journée à se noyer dans ses excès. Toujours dans le même documentaire, il est raconté qu’avant le top départ des hostilités, la salle est remplie. Ce ne sera que pour une courte durée. Dès son arrivée, l’ambiance change du tout au tout. Après deux ou trois coups de poing bien placés, l’endroit se vide complètement. « C’était l’un de ses shows les plus mémorables », s’exclame l’un des intervenants de Live Fast Die - The GG Allin story. Très vite, les promoteurs du concert coupent le courant. Le « spectacle » se poursuit dans les rues, en plein Lower East Side.

    Afin de célébrer ce concert, en ce début de soirée, GG Allin et quelques amis se dirigent dans un appartement pour faire la fête. Après des shoots d’héroïne, le chanteur s’endort sur le sol. Il ne se réveillera jamais. Il est officiellement déclaré mort le 28 juin 1993, dès suite d’une overdose. Il laissera derrière lui une œuvre musicale très prolifique, ainsi qu’une image de rock star vraiment en dehors des clous. 

    S’il était considéré comme un « connard fini » par beaucoup, et notamment par le magazine Maximumrocknroll, tous ne sont pas du même avis. Par exemple, dans cet article de Vice écrit par Legs McNeil, le cofondateur de Punk Magazine, un tout autre portrait de lui est dressé. Une façon plus lisse d’appréhender sa vie et sa musique que Pierre Avril, semble également partager dans la biographie GG Allin, Antéchrist de l’extrême (2018). « Fut-il un clown suivi par un public masochiste ? Un authentique détenteur de la flamme rock’n’roll en mission de sauvetage ? ». On vous laisse en juger.

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