French 79 : "Je préfère remplir des salles que d'être mis en avant dans les grands médias"

On le sait bien : nul n’est prophète en son pays. Parmi les nombreux exemples pour le prouver dans la musique française, on trouve le Marseillais French 79. Si son succès en France reste parfaitement honorable, comme le prouve son futur passage à l’Olympia le 22 octobre, il a d’abord bâti un succès international, et n’a jamais bénéficié d’un appui fort du système médiatique de l’hexagone. Une situation qui ne le dérange absolument pas.
  • Avec un tel pseudo, il fallait s’y attendre : il incarne tout ce qu’il y a de spécifiquement français dans la musique électronique. Et tous les paradoxes qui vont avec. Quant au 79, il correspond à son année de naissance, justifiant cet amour du cinéma des années 80, puis cette culture musicale formée en pleine explosion de la french touch. À ce moment, Simon Henner vit encore à Épinal, dans les Vosges, avant de rejoindre Marseille à la fin de l’adolescence. C’est dans la cité phocéenne qu’il construit sa carrière, d’abord au sein du groupe d’électro rock Nasser. En lien avec toute la scène de la ville, il forme en 2015 le groupe Husbands avec son ami Kid Francescoli (un autre artiste qui sait s’exporter) et le leader du groupe Oh! Tiger Mountain, tout en étant également producteur, notamment pour Vincent Delerm.

    Toutes ces collaborations finissent par lui donner des envies solos. En parallèle, presque en souterrain, il lance le projet French 79 en 2013, publiant son premier album, « Olympic », en 2016. Loin du rock, il présente alors un projet totalement électronique, bien qu’empreint de pop dans son écriture. Bref, un projet purement French touch, qui se veut une synthèse de toute l’histoire du genre, tout en ayant sa propre identité, avec des sonorités larges et majestueuses. Le second album, le très réussi « Joshua » en 2019, vient renforcer l’intérêt autour du projet, mais très vite, on voit que le succès de l’artiste se bâtit plus à l’international que dans son propre pays.

    Encore une victime de ce syndrome bien français, où la reconnaissance vient d’abord de l’étranger ? En fait, l’artiste préfère prendre le problème dans l’autre sens. « Quand un groupe commence à tourner aux États-Unis, c’est souvent qu’il remplit déjà des Zénith en France. Et c’est une erreur. Parce qu’ils se retrouvent à tourner dans des salles de 400/500 personnes là-bas, alors que leur production taillée pour les Zénith coûte bien trop cher pour ça. Par exemple, je sais que Justice a eu du mal, à l’époque ».

    Au final, la faute serait donc partagée entre artistes et médias. De fait, lui-même semble satisfait de sa couverture médiatique, quand bien même elle se limite plutôt à des titres spécialisés. « Je ne cherche pas à faire la couverture de Paris Match, non plus ! Je préfère être à ma place plutôt qu’être mis en avant dans les grands médias et galérer à remplir des salles. Quand tu remplis la même jauge à Los Angeles et Portland qu’à Reims et Clermont-Ferrand, c’est là que ça commence à aller bien. »

    Bien sûr, tous les artistes français ne cherchent pas à percer à l’international. Mais pour y arriver, faire de la musique électronique aide. « Dès que c’est marqué french touch, on nous fait de suite beaucoup plus confiance » souligne le producteur. Plus encore, être identifié dans ce genre permet également d’apparaître dans des séries américaines à gros budget. Forcément, appuyer une scène d'une série comme Gotham aide à s’installer dans les oreilles du monde entier. « Faire carrière, c’est un tout, mais ce genre de synchro est un coup de pouce, c’est sûr. » Et là, son origine devient même un atout. « En France, on a ce côté classe, avec de belles suites d’accords. C’est l’héritage de la pop française des années 60-70, et des musiques de films de cette époque. Ce qui nous permet d’être bien identifiés dans le monde. »

    Et pourtant, en France, le soutien médiatique reste encore léger. « Je me sens correctement soutenu » précise l’artiste. « C’est peut-être que d’autres le sont trop. » Le fait de ne pas vivre à Paris peut-il jouer ? « Effectivement, je ne croise pas les grands acteurs de la musique en soirée. Ça peut être important, mais il ne faut pas croire que monter à Paris permet automatiquement de les rencontrer et de tout débloquer. Et si je veux faire une après-midi de promo à Paris, c’est facile de venir. » Par ailleurs, la place d’outsider est parfois un meilleur atout. « Au final, ça peut aussi créer un attrait. Il y a quelques années, il y avait une grosse scène électronique à Reims. Et donc dès qu’un artiste venait de là, tout le monde voulait l’interviewer. »

    Dans tous les cas, il ne troquerait sa ville pour rien au monde. Le musicien possède notamment son propre bateau à voile. Une passion récemment illustrée dans le documentaire Solitaire(s), consacré à la rencontre entre Henner et le navigateur Achille Nebout, spécialiste des excursions en solitaire, et mélomane. Si le court film explore la rencontre de ces deux univers, et l’aspect à la fois solitaire et très entouré des deux protagonistes, il permet également de mettre en avant ce profond rapport à la nature de l’artiste. « Je pense que ça se retransmet dans ma musique. Pas directement, je ne sample pas de bruits de la nature ; mais par les émotions. Si j’ai vécu un moment difficile en montagne, ça peut se retranscrire, sans que j’y réfléchisse vraiment. »

    Plus largement, c’est aussi ce qui lui permet de s’aérer l’esprit, et de rythmer sa vie. « J’essaie de ne jamais en avoir marre, que ce soit de la musique, de la promo ou de la voile. Donc j’essaie de mélanger ça au maximum. Parfois, je prends le bateau même si j'en ai pas vraiment envie, mais je sais que ça me fera du bien. » Une diversité qu’il pratique aussi dans sa musique : il touche-à-tout, se permet de chanter, puiser dans d’autres styles. Peut-être que cela le rend moins directement identifiable dans les médias. Mais il s’en fiche : « J’essaie de faire ce que j’ai envie de faire. C’est comme ça que ce que tu fais n’est pas mauvais. »