Flashback : quand Elvis se faisait vacciner en direct à la télé

C'était en 1956 : un jeune rockeur nommé Elvis parvenait presque à lui tout seul à vacciner l'Amérique après s'être prêté au jeu de la piqûre lors de son passage au Ed Sullivan. Soixante-six ans plus tard, on redécouvre un peu médusé cette séquence, à l'heure du Covid-19 et des manifs antivax.
  • "Il faudrait que Sheila se fasse vacciner". Vous vous souvenez de cette phrase ? C'était un peu plus tôt, cette année, et elle aurait été prononcée par un Jean Castex un peu désarmé face aux premiers scores de la vaccination des Français contre la Covid-19. 

    Avec le recul, tout cela fait sourire. D'abord car depuis 74,2% des Français ont reçu au moins une dose de vaccin (soit plus de 50 millions de personnes), ensuite parce qu'il faut paradoxalement être vraiment malade pour espérer qu'une apparition de Sheila en 2021 sur un écran puisse convaincre plus de cent personnes à relever la manche de la chemise. La principale intéressée, du reste, semblait confirmer que l'idée même de cette campagne cathodique était ridicule. 

    Si l'on vous parle de tout cela, c'est parce que des images encore plus étonnantes sont ces jours-ci remontées du fin fond de l'Internet, ou plutôt d'une époque où Internet n'existait pas. Nous sommes en 1956, et Elvis est déjà un quasi-Dieu vivant. Sa reprise de That's All Right est déjà devenue un classique, son jeu de jambes épileptiques a déjà fait perdre leur virginité à des milliers d'adolescentes et ce même Presley a été popularisé dans toute l'Amérique grâce à son premier passage dans la grande messe du Ed Sullivan Show, avec 82,6% de parts de marché. Du jamais vu. Après son passage dans l'émission, c'est 1 million de précommandes pour son titre Love me tender. Kanye West, pas encore né, peut déjà aller se recoucher. 

    En même temps, moins joyeux, la poliomyélite fait encore des ravages partout dans le monde. La maladie, très contagieuse, tuera jusqu'à 500 000 personnes par an durant les années 40 et 50, et en paralysera plusieurs milliers - c'est l'une des conséquences dramatiques du virus. L'autre étant que les plus jeunes refusent alors de se faire vacciner, le taux de vaccination contre la polio au milieu des années 50 étant chez les ados à 0,6%. Franchement, tout cela ne vous rappelle rien ? C'est là que l'Oncle Sam sort sa carte joker : Elvis. 

    Un rockeur pour lutter contre la polio, c'est effectivement ce qui va passer en 1956, quand Elvis prépare sa deuxième intervention chez Ed Sullivan; acceptant de prendre la pose backstage pour inciter les plus récalcitrants à se faire vacciner. Des photos immortaliseront l'événement, et devinez ce qui s'est passé ? Ça a marché. Le taux de vaccination est monté à 80% en quelques mois et Elvis, aussi mauvais garçon soit-il, est devenu l'un des héros de la patrie; l'autre étant Jonas Salk, l'inventeur du vaccin contre la polio en 1955. 

    Moralité de l'histoire : quand on souhaite utiliser la musique comme médicament contre tous les mauvais, mieux vaut bien choisir sa mascotte. Le paradoxe de cette histoire, c'est qu'Elvis est mort jeune. Sheila, elle, vient de fêter ses 76 ans.

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