Eric Clapton est-il définitivement devenu un boomer ?

Une enquête du magazine Rolling Stone revient sur le passé du guitariste anglais et sur ses propos racistes et ses prises de position. Et si Clapton avait-il toujours été « un vieux con » ?
  • Si Eric Clapton a récemment fait parler de lui, ce n’est pas car il a sorti un bon disque (ce n’est pas arrivé depuis « Backless » en 78 à vrai dire). Non, le guitariste britannique a été l’un des musiciens connus les plus remontés contre la vaccination, la Covid-19, le pass sanitaire et les restrictions imposées à toute la population afin de faire respecter les gestes barrières. Après avoir reçu, comme des milliards de personnes, deux doses (du vaccin AstraZeneca pour lui), et subi des effets secondaires « désastreux », Clapton en était persuadé : tout ce cirque, c’était de la propagande. « Mes mains et mes pieds étaient soit gelés soit engourdis ou brûlants et à peu près inutilisables pendant deux semaines » a raconté celui qu’on considère parfois comme le deuxième meilleur guitariste au monde.

    À maintenant 76 ans, Eric, qui a vécu les années « sex, drugs and rock’n’roll », n’a plus tout du envie de rire, et utilise sa notoriété pour donner son avis, en chanson. Il sort en premier un titre, avec Van Morrisson, contre le confinement (Stand and Deliver en décembre 2020). Les deux se demandent ensuite où sont passés les rebelles sur The Rebels (juin 2021) puis il conclut avec This Has Gotta Stop, un titre sorti en septembre sur lequel Clapton, visiblement à bout, est à deux doigts de nous claquer entre les mains : « Je savais que quelque chose ne tournait pas rond / Quand tu as commencé à faire la loi / Je ne peux pas bouger mes mains / Je suis en nage / J'ai envie de pleurer / Je n'en peux plus ». 

    Le problème avec Clapton est que l’homme a toujours eu des propos problématiques, voire choquants. Et ça a commencé très tôt, en 1966. Cette année-là, Jimi Hendrix est à Londres, et il veut rencontrer celui que l’on considère comme le guitariste le plus en vogue du moment : Clapton. Ils finissent par se retrouver sur scène ensemble, et Jimi décide, face à « dieu », de jouer une version du titre Killin’ Floor d’Howlin’ Wolf. Clapton est impressionné par le talent du jeune américain, et doit sûrement avoir un peu le seum. En 1968, il confiera au magazine Rolling Stone : « Quand il a débarqué en Angleterre, disons que les Anglais ont une sorte de fascination pour les noirs. Ils aiment vraiment ce truc magique, cet élément sexuel, ils tombent tous dans le panneau. Il y a cette croyance sur la taille de leur sexe, on dit que les noirs ont des gros sexes. Et Jimi est arrivé et il a exploité ce filon à fond. Tout le monde y a cru. J’y ai cru, putain. »

    Des propos qui prennent une autre dimension quelques années plus tard en août 1976, quand il soutient lors d’un concert à Birmingham le ministre conservateur Enoch Powell, affirmant que l’Angleterre est devenu « surpeuplée ». Il demande alors aux fans de voter pour Powell afin d’empêcher que son pays ne devienne une « colonie noire ». « Il faut que les étrangers se tirent. Il faut sortir les nègres d’ici, les personnes de couleurs. On est en Angleterre, et c’est un pays blanc », balance Eric, sans sourciller. Des propos hallucinants. Mais aussi un comble pour un mec qui a obtenu l’un de ses premiers gros tubes en reprenant I Shot the Sheriff de Bob Marley, et qui a puisé son inspiration blues dans les musiques noires (et beaucoup dans les riffs de Robert Johnson), sans quoi il ne serait personne. 

    S’il accusera l’alcool et les drogues des années plus tard pour essayer de minimiser le poids de ses propos, Clapton a également jugé que cet incident pouvait être comparé à un sketch des Monty Python. En résumé, pour lui, c’est plutôt drôle de dire des trucs racistes sur scène. Comme le rapporte Rolling Stone, dans ses mémoires, Clapton écrit qu’il a une tendance à la « phobie du complot dans toutes les choses de cette nature, y compris la politique ». Cela peut aussi expliquer ses prises de positions sur la Covid-19 et sur les politiques menées dans son pays, et à travers le monde, concernant la pandémie. Ça peut aussi expliquer son soutien à des hommes politiques comme Greg Abbott, le gouverneur du Texas, pro-Trump, en faveur d’un mur pour stopper les immigrés et contre l’avortement. En 2007, on lui reproche aussi d’avoir joué sur scène à l’occasion d’un événement organisé par la Countryside Alliance, une organisation qui promeut « les questions relatives à la campagne telles que l'agriculture, les services ruraux, les petites entreprises et les sports de terrain. » Et parmi les sports de terrain, on retrouve la chasse, notamment la chasse aux renards. 

    Si être contre « l’establishment » avait du sens en Grande-Bretagne à une certaine époque, les récentes sorties de Clapton sur le vaccin et les restrictions sanitaires (il refuse de jouer dans les salles où le pass sanitaire est obligatoire) sont loin de l’ériger en figure de la contre-culture. Il est peut-être temps de « canceller » Clapton, non ?

    Pour lire l'enquête de Rolling Stone (en anglais), c'est ici.